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19 septembre 1998

« Ce n'est pas un droit, c'est un devoir, étroite obligation de quiconque a une pensée, de la produire et mettre au jour pour le bien commun »
Paul-Louis Courrier (1777-1826), Le pamphlet des pamphlets (1824) in Oeuvres, Firmin-Didot 1877, p. 243.

Ce site est comme une maison d'édition personnelle : il publie mes travaux (si vous voulez me connaître, consulter le curriculum vitae).

Je m'occupe des systèmes d'information et des questions d'organisation et d'efficacité qui leur sont associées.

Quand on parle de "système d'information", on mélange souvent deux choses :
- le système d'information proprement dit, essentiellement sémantique, conceptuel et en même temps articulé à la pratique des utilisateurs qu'il enrichit et assiste ;
- le système informatique, qui fournit au système d'information la plate-forme technique (mémoires, processeurs, réseaux, langages) sans laquelle il ne pourrait pas fonctionner.

Le système informatique, c'est l'affaire du maître d'œuvre. Le système d'information, c'est l'affaire du maître d'ouvrage, du client, de l'utilisateur.

La technique est désormais puissante et diversifiée et la difficulté principale, autrefois située dans la plate-forme informatique, se trouve maintenant dans les usages : modéliser les processus des métiers, tirer parti de l'Intranet, articuler maîtrise des processus et contrôle de la qualité, voilà quelques-uns des enjeux essentiels. La plupart des échecs en informatique sont causés par une carence du maître d'ouvrage (lorsqu'il ne sait pas ce qu'il veut, qu'il ne contrôle pas ce que fait le maître d'œuvre, etc.).

Au début de l'automobile, le conducteur s'appelait "chauffeur", ou encore "mécanicien". Il devait savoir réparer une machine fragile, régler à tout moment la richesse du carburant, etc. Les automobiles d'aujourd'hui ne nécessitent plus cette compétence. L'art de la conduite s'est émancipé de la mécanique ; c'est devenu une technique d'un autre niveau.

Donner la priorité à l'usage du système d'information, c'est tirer les conséquences d'une évolution du même type dans l'informatique.

*  *

Si l'on cherche le fil conducteur de mes travaux, on le trouvera dans ma curiosité sur la relation entre information et action. Cette curiosité s'explique par des raisons personnelles que je ne détaillerai pas ici.
 
Elle anime mes travaux en statistique, dont la conclusion est mon article dans "Etudes" en 1982. J'avais cru trouver dans la statistique un réalisme exempt d'idéologie, alors que je croyais la théorie économique totalement pénétrée par l'idéologie, que ce soit celle du marché ou de l'étatisme. J'étais alors assez proche de Jean-Pierre Benzécri, qui croyait approcher par l'analyse des données "le pur diamant de la véridique nature". Cependant les difficultés pratiques, les erreurs auxquelles peut conduire l'interprétation des statistiques m'ont convaincu vers 1980 que mes réticences envers l'économie m'égaraient, et qu'il fallait pour conférer un sens aux observations accompagner le constat empirique d'une mise en forme théorique. Un article d'Ivar Ekeland paru dans "La Recherche" a joué le rôle d'un catalyseur en plaçant sous mes yeux une chose alors nouvelle pour moi : un texte d'économie construit rigoureusement et sérieusement. J'en ai lu d'autres depuis, notamment les ouvrages de Hicks.
 
Lorsque François du Castel m'a proposé en 1983 de monter une mission d'études économiques au CNET, j'ai sauté sur l'occasion : je voulais faire de l'économie et pensais que la façon dont elle rendait compte du progrès technique (par un coefficient tendanciel d'accroissement de la productivité) était insuffisante. J'ai passé au CNET des années passionnantes et chaleureuses, les discussions et travaux avec les chercheurs constituant l'équivalent d'une formation dans une bonne Université doublée d'un laboratoire. J'ai pu ainsi aborder les questions à la charnière entre traitement des données et utilisation de l’information, et commencer à percevoir la diversité des usages des nouvelles technologies.

L'outillage conceptuel acquis lors de mes recherches en statistique m'a été utile pour représenter les architectures de l'acquisition, du traitement, du stockage et de l'utilisation de l'information ; étant au CNET, je les ai abordées du point de vue des réseaux et protocoles de communication, et non de celui plus habituel des langages que je n'ai adopté que plus tard. Mes habitudes en informatique étaient d'ailleurs traditionnelles : je programmais en Fortran les calculs économiques pour les télécoms. Je ne me suis "mis au micro" qu'en 1987. Ce fut une épreuve dure mais féconde et le début d'un apprentissage qui n'en finira pas : ces petites machines, qui remplacent les grosses machines de jadis, ne sont pas simples à l'intérieur ...

Lorsqu'on travaillait au CNET dans les années 80, et si l'on était familier des laboratoires et "paillasses" des chercheurs, on avait dix à quinze ans d'avances sur les techniques usuelles les plus pointues. J'ai découvert en laboratoire la carte rayonnante, le visiophone, le protocole ATM, sans parler des réflexions sur l'audiovisuel à l'occasion de la modélisation des réseaux câblés, ni des réflexions sur l'interconnexion des réseaux locaux à l'occasion du RNIS. L'Internet, qui a pris par surprise les télécommunicants français, a permis de concrétiser plus vite que prévu certaines de ces réflexions.

Les possibilités ainsi offertes étaient cependant largement méconnues des acteurs économiques. Le moins que l'on puisse dire, c'est que l'on était en régime d'information imparfaite. Leur pleine utilisation supposait une conscience de l'évolution du possible et la reformulation correspondante de la stratégie des entreprises. J'ai donc monté des entreprises de conseil avec quelques autres ingénieurs du CNET : ce furent Arcome en 1989, Eutelis de 1990 à 1997. Nous y avons fait du bon travail et appris beaucoup de choses en compagnie de nos clients. Par ailleurs, passer de la fonction publique à la vie d'entreprise a été instructif.

Durant ces dernières années je me suis spécialisé sur l'architecture des systèmes d'information que je pratique désormais en "free lance". J'ai découvert sans trop m'étonner ces obstacles que l'on qualifie pudiquement de "culturels", et qu'il faut traiter sans complaisance mais avec pondération.

L'évolution actuelle de l'informatique me satisfait : avec UML, les langages objet comme Java, le middleware Corba, les outils d'administration des données, le nouveau partage des responsabilité entre maîtrise d'ouvrage et maîtrise d'œuvre, le groupware, nous voyons se mettre en place des formes d'organisation qui permettent une adéquation fine et souple aux stratégies des entreprises. Le mythe de l'automatisation totale est révolu ; nous vivons dans le monde de l'assisté par ordinateur. Il fournit des outils puissants au discernement et à la volonté ; seule est automatisée la partie du travail qui correspond aux talents de l'ordinateur (tris massifs et rapides, tâches répétitives, chaînes de calcul etc.), l'autre s'accomplissant dans le cerveau d'êtres humains responsables. Réussir cette articulation délicate et puissante, tel est l'enjeu.

Cela se fera : la maturité des réflexions est remarquable, et l'on est frappé par exemple par les progrès qu'a faits le CIGREF.

Il faut toutefois que cela se fasse pour un coût d'apprentissage minimal, sans trop perdre de temps, et que la nouvelle économie qui en résultera soit vivable. Ici les préoccupations économiques et techniques s'enrichissent des dimensions civique et éthique.