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Commentaire sur :

Une femme à Berlin, Gallimard 2006

7 janvier 2007

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Pour lire un peu plus :

- Histoire d'un Allemand

- La Chute

Ce livre est le journal qu’a tenu une Allemande du 20 avril au 22 juin 1945 pendant les derniers combats, la chute de Berlin et sa conquête par l’armée soviétique.

L’auteur a dû publier sous l’anonymat : ce qui s’est passé alors à Berlin est pour les Allemands un mauvais souvenir, la personne qui rappelle que leurs femmes ont alors été violées n’est pas la bienvenue.

*     *

L’attitude des Soviétiques envers la population de Berlin semble avoir eu deux faces. Peu de femmes échappent au viol car les soldats, qui avaient combattu pendant quatre ans sans avoir aucune permission, avaient un immense besoin de femmes. Mais par ailleurs ils sont intimidés par la culture de l’Allemagne, l’élégance et la propreté des femmes, la qualité du mobilier. On trouve parmi eux des hommes fins et sensibles à côté de brutes que l’ivresse rend dangereuses. Des meurtres sont commis mais de façon isolée : le livre ne cite pas d’atrocité organisée. Goebbels avait annoncé un massacre, les Soviétiques distribueront de la nourriture. « Notre propagande ne faisait que nous abrutir » (p. 179).

L’auteur a l’avantage de parler le russe. Elle sert d’interprète, s’interpose dans les situations les plus tendues. On devine que les rapports sexuels qu’elle a dû avoir pendant cette période, pénibles pour la plupart, n’ont pas été absolument désagréables avec certains Soviétiques qui ont su se montrer délicats : c’est sans doute ce côté de son livre qui a le plus choqué, et pourtant c’est là quelque chose de très humain.

Pendant la période qui a précédé la prise de la ville, les habitants de Berlin n’ont rien eu à manger. L’eau et l’électricité étaient coupées. La recherche de la nourriture était une obsession alors que les bombes et les obus pleuvaient, que les immeubles s’effondraient. Personne ne savait s’il serait vivant à la fin de la journée. Après la chute de Berlin, les bombardements ont cessé mais la famine a duré encore quelque temps et il a fallu se protéger des soudards.

L’auteur, s’étonnant de sa propre capacité de résistance, se remémore ce que lui avait dit une « intelligente Suissesse » : « la somme des larmes est constante ». Suit un texte important que je résume (p. 176) : « la somme des souffrances et des angoisses que chacun doit payer pour son existence est constante. Les populations gâtées se vautrent dans la névrose et la satiété. Ceux auxquels le sort inflige un excès de souffrance, comme nous aujourd’hui, ne peuvent s’en sortir qu’en se blindant. »

Le régime nazi était devenu un objet de haine. « Des criminels et des aventuriers sont devenus nos chefs de file et nous les avons suivis comme des moutons à l’abattoir ». « Pour Adolf, aucun arbre n’est assez haut », entendait-on dire dans la queue autour de la pompe à eau (p. 135).  

L’auteur est trop occupée à survivre pour penser intensément. On ne trouve pas dans ce livre une réflexion d’une ampleur comparable à celle de Haffner, mais son témoignage sur la ville en ruine, sur l’attitude des habitants devant la faim et la mort, est d’une précision photographique.