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Commentaire sur :

Jean-François Dars, Voyage avec Stevenson dans les Cévennes, Descartes & Cie 2006

31 mars 2006


Pour lire un peu plus :

- Vivre et travailler dans les Cévennes
-
Essai de numérologie cévenole
- Nostalgie du service public

L'auteur a suivi l’itinéraire de Stevenson, mais après avoir remplacé l’ânesse Modestine par un vélo de bat. Parti du Monastier-sur-Gazeille[1], il est passé entre autres lieux par Le Bouchet, Landos, Pradelles, Langogne, Luc, Notre-Dame des Neiges, La Bastide, Chasseradès, Le Bleymard, Le Pont de Montvert, Florac, Saint-Germain de Calberte, Saint-Jean du Gard et enfin Alès, où l’attendaient les extraordinaires statues de Pasteur et d’Alphonse Daudet. Mais que croyez vous qu’il arriva ? Il y trouva le Cévenol en grève. Ah, ces grèves du Cévenol (voir Nostalgie du service public)… Il a dû rentrer à Paris en TGV, le pauvre.

Chemin faisant il avait bien compris les cévenols : il a savouré leur délicatesse, leur réserve et leur langage si délié. Il a aimé les paysages et pesté contre les chemins pierreux où l’on se tord les chevilles. Il a croisé ces chiens de chasse affectueux qui vous lèchent la main et vous caressent de leurs larges pattes boueuses, ces chèvres coquines qui broutent votre pain si vous n’y prenez garde.

Que le propriétaire de l'auberge Modest'Inn de Langogne lui ait cédé sa chambre par sympathie et pure hospitalité, et se soit ainsi condamné à dormir par terre, c'est incroyable - mais c'est vraisemblable quand on connaît les gens d'ici. Quand les aventures de l’auteur s’entrelacent au rappel de celles de Stevenson, cela donne la « gaffe de la Vernède » ou une odyssée sur les quelques mètres entre Fouzilhic et Fouzilhac.

J'ai aimé ses rencontres avec les « ados » difficiles et pitoyables, avec leurs éducateurs au cuir tanné ; avec le couple réactionnaire mais hospitalier ; avec le paysan heureux que l'on photographie son tracteur. J'ai reconnu le large geste du bras par lequel se désigne, dans la partie catholique des Cévennes, la zone « où sont les protestants ». Il a entendu parler des « Belges, qui font monter le prix des maisons » et des « gens de la ville qui viennent à la saison ramasser les cèpes ». Il a vu les touristes, comiquement équipés parfois, mais « si utiles tout de même pour la survie du pays »… L’histoire est présente : celle des camisards et celle, plus récente, des Polonais venus chez nous pour la mine et aussi pour la guerre. La description (p.202) de la société française en devenir m'a paru d'une rare perspicacité. 

L'auteur est quelqu'un de fin, cultivé et sans prétention. Il sait voir, entendre et interpréter. Au passage il donne son avis, discrètement et brièvement : on découvre ainsi sa personnalité au fil du livre.

J'ai regardé ses photographies sous deux points de vue différents : comme cévenol, je me dis « c'est bien ça, il nous a vus tels que nous sommes ». Comme parisien, je pense « quel drôle de coin ! Quel pays sauvage ! Mais comment donc vivent ces gens ? » Ceux qui font la navette entre les Cévennes et Paris ont tous, je crois, le sentiment de passer d'une planète à l'autre, également belles, également intéressantes, mais tellement différentes ! On dit adieu à l'auteur dans le TGV, mais j'aurais aimé qu'il nous dise comment Paris lui est apparu à son retour.

Stevenson a eu là un bien aimable successeur.


[1] Et non pas « sur Gazelle », comme il est écrit sur le rabat de la couverture.