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Commentaire sur :

Michael Hiltzik, Dealers of Ligthning - Xerox PARC and the Dawn of the Computer Age, Harper Business 1999

25 novembre 2001

 

Ce livre décrit l'histoire du PARC de Xerox à Palo Alto, ce fameux centre de recherche où furent inventés dans les années 70 plusieurs des éléments essentiels de l'informatique d'aujourd'hui. Cette histoire est marquée par un paradoxe : alors que Xerox a généreusement financé le PARC, il n'a pas su tirer parti de ses découvertes ; elles furent commercialisées par d'autres entreprises. Xerox a fait l'Alto ; c'est IBM qui a lancé le PC en 1981. Xerox a inventé l'interface graphique avec fenêtres, souris et menus déroulants ; c'est Apple qui a lancé le Macintosh, et Microsoft qui a produit Windows. Xerox a inventé le traitement de texte Wysiwyg ; c'est Microsoft qui a produit Word. Xerox a inventé Ethernet ; aujourd'hui le marché des réseaux locaux se partage entre Cisco et 3Com. Xerox a inventé l'imprimante à laser ; il s'est fait précéder sur le marché par IBM en 1975.

Repères chronologiques

En 1969, Xerox achète Scientific Data Systems et décide de créer un centre de recherche en informatique et microélectronique (la même année, l'Arpanet, précurseur de l'Internet, devient opérationnel). Le  "Palo Alto Research Center" (PARC) de Xerox, situé intentionnellement près de l'université de Stanford, ouvre en 1970. S'y rassemblent quelques-uns parmi les plus créatifs des "hackers" des années 60, qui avaient réalisé les premiers progrès vers l'informatique personnelle (voir "Hackers", de Steven Levy). 

En 1971, Alan Kay et son équipe mettent au point la première version de Smalltalk, langage de programmation orienté objet qui influencera C++ et Java ; Gary Starkweather met au point la première imprimante à laser. 

En 1973, Chuck Thacker, Butler Lampson et Alan Kay mettent au point l'Alto, ordinateur qui ne sera jamais commercialisé par Xerox. Bob Metcalfe crée le protocole de réseau local Ethernet

En 1974, Dan Ingals invente un système qui offre une interface utilisateur avec fenêtres superposées et menus déroulants. Charles Simonyi, Tim Mott et Larry Tesler produisent le premier traitement de texte convivial. 

En 1979, James Clark conçoit le microprocesseur graphique 3-D qui fera la fortune de Silicon Graphics. 

En décembre 1979, Steve Jobs et une équipe d'ingénieurs d'Apple visitent le PARC . Ils assistent à une démonstration qui les incitera à introduire l'interface graphique dans le Lisa (1983) puis le Macintosh (1984).

Le 30 septembre 1980, les spécifications du réseau Ethernet sont publiées : pour la première fois une invention du PARC est commercialisée. 

Le 27 avril 1981, Xerox lance enfin la station de travail Star (16 000 $), descendant commercial de l'Alto et des travaux du PARC. Mais le 24 août 1981 IBM lance le PC (2 000 $) qui rend le Star obsolète. 

Après la démission forcée de Bob Taylor le 19 septembre 1983, plusieurs des principaux ingénieurs du PARC démissionnent. Le style de travail du PARC ne sera plus jamais le même. 

En janvier 1984, Apple lance le Macintosh, incarnation réussie de l'ordinateur personnel du PARC. 

Pourquoi Xerox n'a-t-il pas su utiliser les travaux du PARC ? il est facile d'expliquer cela par des comportements personnels, des conflits politiques dans l'entreprise, ou par la stupidité de bureaucrates incapables de percevoir le potentiel d'une innovation. Ces facteurs-là ont existé, mais ce ne sont pas les plus importants. Il n'était pas facile pour une entreprise de réussir dans le domaine des ordinateurs personnels, comme le montrent les échecs rencontrés ensuite par IBM et même par Apple. Ensuite le facteur taille à joué : en 1981, il était possible pour Apple (40 personnes) de prendre de gros risques, mais c'était pratiquement impossible pour Xerox (125 000 personnes). 

Xerox s'était spécialisé sur le marché des photocopieurs, grosses machines que l'on installe dans des secrétariats et dont les acheteurs sont les secrétaires généraux. L'astuce était de placer la machine chez le client et de se faire rémunérer à la copie. Le succès instantané et immense de la xérographie avait mis Xerox en position de monopole et l'avait convaincu qu'il suffisait d'offrir de bons produits, mûrement conçus, pour que les clients se jettent dessus. Cela ne préparait pas Xerox au marché de l'informatique personnelle où les acheteurs sont les directeurs informatiques, où il n'est pas question de se faire payer à la consommation et où la concurrence oblige à défendre un par un chaque pourcent de part de marché. L'intérêt de Xerox pour l'innovation était sincère, mais affaire de principe plus que de réalité ; pour que Xerox soit sur ce marché nouveau l'acteur qu'il aurait pu être, il aurait fallu qu'il fût une entreprise nouvelle, sans histoire, sans habitudes, sans organisation, libre de se modeler comme le firent Apple et Microsoft. Et cela, c'était impossible. 

Pour concevoir le PC, IBM a dû créer en son sein une organisation indépendante que le président a protégée contre le reste de l'entreprise. Cela n'a pas suffi : IBM n'a pas pu profiter du PC pour dominer le marché de la microinformatique parce que sa culture d'entreprise a rejeté la greffe. Intel et Microsoft ont raflé la mise. 

Toute grande entreprise, toute organisation structurée par son histoire répugne à changer, et l'innovation passe alors par d'autres voies. Ceci explique en partie les échecs de l'informatique française qui a été poussée par l'administration, notre administration qui est la plus grosse entreprise du monde et qui est, en effet, structurée et corsetée par son histoire.