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Commentaire sur :
David Lai, Learning from the Stones, Strategic Studies Institute, mai 2004

8 juillet 2004


Liens utiles

- Learning from the Stones
- Le grand livre de la stratégie
- L'Amérique en armes

David Lai, ancien diplomate chinois qui travaille maintenant à l'Institut d'Études Stratégiques américain, s’appuie sur le jeu de go pour comparer les stratégies chinoise et américaine. Dans chaque culture, dit-il, existe en effet une relation profonde entre la façon de définir la stratégie et les jeux favoris.

Or le jeu de go diffère du jeu d’échec (recherche de la victoire absolue), du poker (prise de risque et bluff), de la boxe et du football américain (force contre force) qui reflètent la stratégie occidentale, et plus particulièrement américaine, d'engagement massif de la force.

Les joueurs de go doivent contrôler le plus de territoire possible en plaçant des pierres noires et blanches sur plusieurs fronts. Ils cherchent chacun à conforter son propre shì (prononcer che comme dans « cheval »), que l'on peut traduire par potentiel de la situation ou par propension[1], selon les règles énoncées par Sūn Zǐ ( , prononcer Sun Dze)[2].

Lai décrit le déroulement d’une partie de go et compare, au passage, la stratégie des joueurs à celle des Américains envers l’Irak, la Corée du Nord, la Chine et Taiwan. L'article, construit lui-même comme une partie de go, insinue dans l’esprit du lecteur la fragilité radicale d’une stratégie impatiente et fondée sur la force pure.

Les citations de Sūn Zǐ sont de transparentes allusion à la guerre en Irak : « ceux qui n’entrevoient pas les risques que comporte la mise en œuvre de la force armée ne savent pas comment l’utiliser avantageusement », ou encore : « le premier principe de l’Art de la Guerre, c’est de préserver les intérêts vitaux du pays sans recourir à la force ». 

De même, il oppose l’attitude des Coréens du sud à celle des Américains : ceux-ci veulent obtenir de la Corée du nord une réponse positive et rapide alors que les Coréens du sud misent pour la faire évoluer sur un effort graduel, et souhaiteraient plus de patience et d’intelligence chez les Américains.

Sur la question des droits de l’homme, comme sur la question de Taiwan, la stratégie américaine est à courte vue, alors que la Chine conforte méthodiquement sa position en se créant un shì favorable.

Lai cite un général chinois : « Selon notre culture militaire, le stratège n’est pas un militariste. Il cultive la sagesse du philosophe. La ruse permet d’obtenir la victoire sans utiliser la force ».

Lai invite les Américains à pratiquer le jeu de go pour comprendre la stratégie chinoise et pour s’inspirer de son intelligence. On sent, en le lisant, la fierté du Chinois nourri par une civilisation plus que millénaire. « Vous êtes forts sans doute, dit-il discrètement aux Américains, mais vous n’êtes pas malins ». Sera-t-il entendu ?


[1] François Jullien, La Propension des choses, Seuil 1992

[2] Sūn Zǐ (IVème siècle avant JC), Bīng Fǎ ( , prononcer Ping Fa), L’Art de la guerre