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Commentaire sur :

Pierre Péan et Philippe Cohen, La face cachée du Monde, Éditions des mille et une nuits 2003

18 mai 2003

Le Monde est-il un bon journal ? Certains de mes amis, qui le lisent chaque jour, pensent que c’est le meilleur journal français (valeur relative) et même que c’est un excellent journal (valeur absolue).

Suis-je trop difficile ? Le Monde me tombe des mains. Je l’achète une fois par mois et ma réaction est toujours la même : je ne supporte pas ces longs articles sans conclusion ; ces insinuations vagues (« dans les milieux patronaux, on dit que… ») ; cet acharnement contre des personnes accusées à longueur de page de délits imaginaires (pensons à l'affaire Hervé Le Bras). Certes, la rubrique scientifique est bonne ainsi que la rubrique « sports », mais cela ne suffit pas pour équilibrer la balance : selon mes critères, Le Monde est devenu un mauvais journal.

Le New York Times vient de pousser à la démission un journaliste, Jayson Blair, parce qu'il avait « bidonné[1] ». Il prétendait interviewer des personnes, visiter les lieux, faire du travail de terrain, mais en fait il s’alimentait sur l’Internet ou en lisant d’autres journaux. Ses articles contenaient des erreurs mais comme il avait une bonne plume certains de ses collègues l’admiraient. Au Monde, aurait-il été viré pour cela ?

Je suis donc sur le fond d’accord avec Péan et Cohen. Et pourtant leur livre m’a écœuré. Certes, comme le disent ceux de mes amis qui aiment Le Monde, il est bon qu’il soit permis de critiquer une telle Puissance. Mais s’agit-il ici de critique ou de dénigrement ? Péan et Cohen utilisent les procédés dont ils font grief au Monde : attaques ad hominem, accumulation de ragots (cela rappelle le Verbatim d’Attali), absence de nuances, instruction à charge. Oui, Le Monde est un mauvais journal, c’est entendu, mais tout n’y est pas mauvais. Pour être vraiment efficace, il aurait fallu que la critique fût équilibrée – que ce fût une vraie critique.

Pourquoi des personnes intelligentes, honnêtes et fines apprécient-elles à la fois Le Monde et le livre de Péan et Cohen ? je crois que c’est parce qu’elles sont tellement honnêtes qu’elles ne devinent pas, ne sentent pas, ne peuvent pas même entrevoir la rouerie de manipulateurs que grise leur pouvoir d’influence.


[1] Voir « Correcting the Record », New York Times, 11 mai 2003.