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A propos de Raymond Barre

4 mars 2007

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Pour lire un peu plus :

- Histoire du négationnisme en France
- A propos de l'antisémitisme

-
Au sujet de Maurice Papon

Raymond Barre « considère que les gens peuvent avoir leurs opinions » (France Culture, 1er mars 2007). C'est juste ; on peut donc avoir une opinion sur M. Barre, une opinion aussi sur ses opinions et, suivant son exemple, on peut les exprimer.

*     *

J’ai eu M. Barre pour professeur d’économie à l’ENSAE en 1963-1964. Il irradiait le contentement de soi. La vanité le rendait colérique : ceux qui entamaient une discussion à voix basse pour lutter contre l’assoupissement que provoquait le ronron du cours étaient apostrophés et expulsés.

Son élocution était fluide mais à la sortie du cours nous nous interrogions : « qu’a-t-il dit au juste ? ». Toutes ces phrases arrondies, énoncées sur le ton de l’évidence, n’avaient laissé sur le moment même aucune trace dans nos mémoires.

Son Traité d’économie politique, que nous lisions, donnait le même sentiment de vide : il était impossible d’accrocher la moindre pensée à ce texte agréablement écrit. Quand Giscard d’Estaing a dit que Barre était « le meilleur économiste de France », il a porté un jugement sévère – et sans doute mal informé – sur l’état de notre science économique.

Ceux d’entre nous qui sont par la suite devenus des économistes n’ont pu le faire qu’en s’éloignant de ce que M. Barre leur avait enseigné pour s'alimenter de lectures plus solides.

*     *

M. Barre a dit à France Culture que Maurice Papon était « un grand commis de l’État très courageux », de ceux qui ont « fait fonctionner la France » (sous l’occupation), que Bruno Gollnisch est « un homme bien », que les auteurs de l’attentat de la rue Copernic en 1980 avaient pour but de « châtier des juifs coupables » et non des « Français innocents ». Il estime « le lobby juif capable de monter des opérations indignes ».

Il a 82 ans : peut-être ne mesure-t-il plus la portée de ses propos, si jamais il l’a mesurée quand sa vanité était blessée. Tel que je l’ai connu, je le crois incapable de douter de soi-même ou de regretter une parole malheureuse.

Lorsqu’il dit « un homme bien », je vois d'ailleurs apparaître la silhouette de ces « gens bien » dont l’allure, le maintien, l’habillement, la tenue à table, le langage et l’accent attestent qu’ils appartiennent à l’élite qui détient le patrimoine culturel, comme le patrimoine tout court, et à qui la direction des affaires et de la société revient donc tout naturellement.

Toute personne « distinguée », appartenant à ce « bon milieu » où se font de « beaux mariages » et où, si l'on est fonctionnaire, on est pour le moins « haut fonctionnaire » dans un des « grand corps de l'État », sera alors ipso facto « quelqu’un de bien », même si elle a été comme Papon complice d’assassinats (il fallait « faire fonctionner la France », expression horrible !), même si comme Gollnisch elle flirte habilement avec le négationnisme.

Enfin la phrase sur le « lobby juif » rappelle les années 1930 (on disait alors « juif et franc-maçon » pour faire bonne mesure). Prononcée par un ancien premier ministre, elle confortera les antisémites : quelle honte pour notre pays !