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Fonder l'humanisme en raison

15 mars 2003


Liens utiles

- Reconstruire les valeurs

L’humanisme est trop souvent sentimental ; il se dégrade alors en un « humanitarisme » à la générosité purement verbale. Le souci de l’égalité conduit trop souvent à nier, malgré l’évidence, les différences entre les cultures comme entre les personnes. Cependant on peut, si l’on se libère du sentimentalisme et des émotions pour considérer ces deux notions avec la rigueur qu’elles méritent, constater qu’elles se fécondent mutuellement.

Pour dire que les êtres humains sont égaux, en effet, il faut dégager ce qu’ils ont en commun. Or c’est très facile à trouver : c’est l’humanité elle-même, que chacun d’entre eux possède en entier et qu’ils partagent tous, de même qu’ils ont tous un égal accès à la nature.

Nous ne sommes égaux, convenons en, ni par la maturité, ni par le talent, ni par la science, ni par la force physique ou la beauté ; mais nous sommes tous des êtres humains.

A la recherche de notre humanité

A la découverte du Mal

Pratique du respect

*  *

Le respect s’impose comme forme rationnelle du rapport entre les êtres humains. Alors que l’égalité tend à nier ou à niveler les différences, le respect les surmonte sans les supprimer. Il les assume de façon positive : toute différence individuelle ou culturelle manifeste la richesse potentielle de notre humanité.

Si nous regardons autour de nous, nous constatons cependant que les personnes les plus admirées et les valeurs les plus recommandées vont au rebours du respect. Napoléon, qui se crut appelé à dominer l’univers[1], a suscité des admirations et des fidélités innombrables ; Talleyrand qui, au congrès de Vienne, fit en sorte que l’Europe reste en paix pendant cinquante ans, est par contre souvent méprisé. Dans la politique, dans les entreprises, on confond violence et énergie ; les pervers qui prennent plaisir à faire souffrir les autres désirent et obtiennent les fonctions de commandement où leur vice peut s’épanouir ; des polichinelles « religieux » appellent au sacrifice humain et au meurtre.

Nous sommes dans une de ces périodes sombres où il faut préserver les semences de sagesse pour qu'elles puissent porter leurs fruits lors de jours meilleurs. Mutatis mutandis, on retrouve aujourd'hui l'ambiance que la France a connue pendant l'occupation allemande : un tunnel long, noir, à la durée indéfinie, à l'atmosphère étouffante, où les rapports humains sont écrasés par la force mécanique que manient des hommes endoctrinés au point d'être eux-mêmes devenus comme des machines. On observera que la doctrine militaire américaine, inspirée de Jomini[2], réduit le stratège au rôle d’un automate[3], ou plus exactement de porte-voix de l’ordinateur. Mais un tel stratège sera démuni s'il est confronté à des incertitudes…

Si la voie de la paix au Moyen-Orient est claire - c'est celle du respect envers l'autre, condition préliminaire à tout dialogue - il est peu vraisemblable qu'elle soit suivie dans les années qui viennent tant on a été loin dans le mépris, tant sont lourds les comptes à régler. Selon toute vraisemblance le déroulement mécanique des événements et des rapports de force conduit à la catastrophe. La conjonction des pulsions suicidaires et de la puissance des armes rapproche l'échéance de la disparition de notre espèce. La barbarie, déguisée en énergie et en justice, nous adresse ses sourires séducteurs. Nous ne pouvons que faire notre possible, chacun avec ses pauvres moyens, pour nous y opposer en dénonçant les blasphémateurs et en appelant, quelles que soient les fautes commises, au respect mutuel.


[1] « Qu’y puis-je si un excès de puissance m’entraîne à la dictature du monde ? » (Jean Orieux, Talleyrand, Flammarion 1970, p. 491). Cette phrase est d'une remarquable absurdité : qu'est-ce en effet qu'un « excès de puissance » qui vous entraîne vers l'impossible de façon irrésistible, sinon une faiblesse ?

[2] Antoine-Henri Jomini (1779-1869), Précis de l’art de la guerre, 1838

[3] Vincent Desportes, L'Amérique en armes, Economica 2002