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Marketing et connaissance des clients

25 novembre 2004


Pour lire un peu plus :

- Science du marketing
« Connaître le client », ce n’est pas connaître la globalité ineffable de sa personnalité, tâche impossible ; c’est en savoir assez sur lui pour lui rendre le service qui répond au mieux à ses besoins et lui apporte le plus d’utilité. On dit alors que l’on a « personnalisé » le service. Ce mot, malgré l’étymologie, ne se réfère pas à la « personnalité » du client mais à autre chose que nous allons tenter de circonscrire.

L’arme principale du marketing, c’est la « segmentation », art de définir une classification des clients adéquate à la nature des relations que l’entreprise entend avoir avec eux. Pour segmenter une population, il faut avoir d'abord identifié les individus qui la composent, puis observé sur chacun de ces individus les valeurs prises par certains attributs.

La connaissance du client comporte trois facettes : « personnelle », « services » et « satisfaction ».

1) Facette « personnelle » : attributs qui décrivent le client sans être relatifs à sa consommation ; on y distingue les données « intrinsèques » et les données « contextuelles » relatives au contexte socio-économique.
Pour un établissement
 : intrinsèques : taille en nombre de salariés, activité principale, localisation, etc. ; contextuelles : conjoncture du secteur d’activité, de la zone géographique, etc. ;
Pour un ménage
 : intrinsèques : taille du ménage, nombre et âge des enfants, tranche de revenu, catégorie socioprofessionnelle, taille du logement, résidence secondaire etc. ; contextuelles : résultat des élections et taux de chômage sur la zone géographique, etc.

2) Facette « services » : attributs qui caractérisent sa consommation en distinguant les équipements qu’il détient et l’intensité de la consommation ; dans le cas des télécoms, on considèrera par exemple :
Pour un établissement
 : réseau local, PABX, téléphones mobiles, liaisons louées etc. 
Pour une entreprise
 : réseau privé virtuel, serveur Web etc.
Pour un ménage
 : postes téléphoniques fixes ou mobiles, accès à l’Internet, équipements audiovisuels, etc. 

3) Facette « satisfaction » : un sondage auprès des clients fera apparaître l’utilité (au sens économique du terme) des services et la relier aux attributs « personnels » et « services ». La même enquête permet d’évaluer les facteurs qui influencent le choix du client entre l’entreprise et ses concurrents.

Le segment auquel un client appartient est identifié en fonction des données observées sur lui. Il importe que ces données soient d’abord les données « personnelles » et non les données « services » ou « satisfaction » : classer les clients selon leur opinion sur l’entreprise, ou selon le montant des commandes qu’ils lui ont passées, ce serait prendre le risque de fossiliser la relation commerciale dans la classification[1] : si par exemple on définit une catégorie « petits clients », il sera difficile de définir l’action commerciale qui, faisant croître le montant de ses commandes, changerait le classement d’un client.

Si l’on considère une population d’établissements, on les classera selon leur taille, activité principale, localisation etc. Puis on modélisera la relation entre ce classement et leur consommation en ayant recours à l’économétrie (cf. ci-dessous). Les cas aberrants (clients qui, d’après la classe à laquelle ils appartiennent, devraient consommer beaucoup mais ne le font pas) seront alors observés avec attention.

Supposons que nous ayons observé les attributs « personnels » et « services » sur une population de clients (rappelons que les attributs « personnels » regroupent les données qui décrivent le client lui-même, alors que les attributs « services » décrivent son équipement et sa consommation).

1) Nous segmentons cette population d’une part selon les attributs personnels, d’autre part selon les attributs services, en utilisant des méthodes mathématiques de classification automatique (par exemple une classification ascendante hiérarchique[2]).

2) Puis nous croisons ces deux segmentations en construisant un tableau de contingence dont la case courante comporte le nombre nij des clients qui appartiennent à la fois au segment personnel i et au segment service j[3].

3) On analyse la corrélation entre les deux segmentations en procédant à l’analyse factorielle des correspondances de ce tableau de contingence. Le premier axe de cette analyse permet de classer les lignes et colonnes de telle sorte que l’on obtienne un tableau aussi proche que possible de la forme diagonale :

4) On peut alors associer à chaque segment « personnel » un segment « services » et réciproquement. C’est autour de cette segmentation globale, définie à la fois selon les données propres aux clients et selon les données relatives à leur consommation, que la direction du marketing pourra organiser sa communication et animer l’activité commerciale.

5) Le tableau de contingence ainsi présenté n’est pas exactement diagonal : on trouve en dehors de la diagonale quelques cases bien remplies qui font exception à la logique d’ensemble. C’est là un des résultats les plus précieux de l’analyse : ces cases contiennent des clients dont le comportement s’écarte du comportement majoritaire, qu’ils soient « en avance » ou « en retard » dans l’adoption des nouveaux produits ou pour tout autre raison. Les examiner renseigne sur la dynamique de la demande.

L’étude des autres axes de l’analyse factorielle fournit des informations complémentaires qui précisent ce résultat.

6) Des études économétriques, fondées sur les séries chronologiques, peuvent ensuite être réalisées pour tester les modèles explicatifs des comportements de consommation, évaluer les élasticités de la demande au prix, étudier les phénomènes de pénétration (effet d’avalanche simple ou croisé, complémentarité et substitution, externalité etc.) On en tire des simulations qui permettront d’anticiper la demande face à diverses hypothèses sur la configuration de l’offre, la concurrence etc. Ces modèles doivent faire la part de l’incertitude inhérente à toute anticipation.

7) Des outils d’aide au diagnostic, étalonnés par l’analyse discriminante, peuvent enfin être mis à la disposition des opérationnels pour les aider à comprendre les besoins de chaque client et à formuler des propositions commerciales. De tels outils sont particulièrement utiles dans un contexte d’offre diversifiée où il est nécessaire de trouver, pour chaque client, la combinaison de services qui, maximisant son utilité, est de nature à le fidéliser.

*  *

La démarche ainsi esquissée suppose de disposer d’une base statistique suffisante, elle-même appuyée sur un SI convenablement défini. Elle suppose que soient résolus divers problèmes :

-     Les clients doivent être convenablement identifiés, ce qui implique de réformer les identifiants fondés sur le service rendu (numéro de la ligne dans les télécoms, RIB dans les banques etc.) ;

-     Les attributs observés sur chaque client doivent être regroupés à partir de bases de données différentes, dont certaines extérieures à l’entreprise ;

-     Les problèmes juridiques que pose la fusion des fichiers doivent être surmontés ;

-     Les séries chronologiques nécessaires pour étalonner les modèles économétriques doivent être reconstituées.


[1] Les entreprises françaises ont tendance à classer leurs clients selon la nature de leur relation avec eux (« gros » ou « petits » clients, ayant sur l’entreprise une opinion « bonne » ou « mauvaise »), et pratiquent ainsi un « marketing relationnel » alors que les entreprises anglo-saxonnes pratiquent de préférence le « marketing objectif », fondé sur les caractéristiques propres au client. Que penserait-on d’un médecin qui, dans son diagnostic, ferait intervenir l’opinion que le patient a sur lui ?
[2] Michel Volle, Analyse des données, Economica 1997.
[3] On peut construire d’autres tableaux de contingence en mettant dans la case courante non le nombre de clients, mais l’effectif salarié (s’il s’agit d’entreprises ou d’établissement), le chiffre d’affaires, le revenu (s’il s’agit d’un ménage) ou tout autre attribut additif.