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La productivité des TIC

30 mars 2007

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Pour lire un peu plus :

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Le bon usage de la messagerie

Les travaux d’Erik Brynjolfsson, du MIT, contribuent utilement à la compréhension de l’économie contemporaine. Dans « Information, Technology and Information Worker Productivity : Task Level Evidence », il décrit le gain de productivité qu’apportent les TIC[1].

Les travaux consacrés à ce sujet sont rares. Cela surprend si l’on se rappelle l’attention portée naguère à la productivité des ouvriers dans l’industrie, les chronométrages et la précision de la définition des tâches, mais cela se comprend : pour concevoir de nouvelles formes d’organisation il faut une expérience sur plusieurs décennies.

Dans l’attente de cette expérience, on entend des sottises comme le trop fameux paradoxe de Solow, « on voit des ordinateurs partout, sauf dans les statistiques de productivité[2] ». Ce n’est pas dans la statistique en effet, dans les totaux et les moyennes, qu’il faut rechercher la trace de l’efficacité d’une technique nouvelle, mais dans la monographie qui seule permet de regarder les choses en détail.

Brynjolfsson a focalisé son étude sur une entreprise de « chasseurs de têtes ». Pour réaliser les recrutements demandés par les clients de l’entreprise, ses salariés utilisent des moyens de communication asynchrone (messagerie) et des bases de données.

L’étude a porté sur les flux d’information et la productivité : messagerie, consultations de la base de données, production (contrats réussis) en nombre et délai. Estimer l’influence des TIC sur la productivité permet d’esquisser la fonction de production de l’économie de l’information.  

*     *

On s’attend à trouver que l’utilisation des TIC accélère le travail : il n’en est rien. Par contre le même salarié pourra participer simultanément à plusieurs projets (multitasking). Alors que le multitasking ralentit le traitement des contrats, l’utilisation des TIC l’accélère, de sorte que les deux phénomènes se compensent à peu près. Même si la durée de chaque projet n’est pas réduite, un plus grand nombre de projets seront achevés dans le même intervalle de temps.  

Il existe un optimum pour le nombre de projets traités simultanément par un même employé : s’il s’occupe d’un trop grand nombre de projets, il perd en efficacité.

Les plus efficaces préfèrent la messagerie au téléphone : la communication asynchrone leur convient mieux, car l’attention se disperse moins. On trouve une forte corrélation entre la capacité du salarié à s’occuper de plusieurs contrats et le niveau et la structure de son trafic sur la messagerie, ainsi qu’avec son habileté dans la manipulation des bases de données et l’intensité de leur utilisation.

Les plus efficaces occupent une position centrale dans les flux d’information. Les personnes peu communicantes, dont le réseau personnel est étroit, sont moins efficaces : il est opportun d’organiser une rotation des tâches pour faire en sorte que les réseaux personnels s’élargissent.

La performance dépend moins de la disponibilité des technologies que de l’habileté dans leur utilisation. La formation des employés est donc un facteur d’efficacité.  

*     *

En conclusion, on peut dire que la productivité dépend :
- de l’habileté dans l’utilisation des TIC et des bases de données, qui se conforte par une formation adéquate ;
- de l’ampleur du réseau personnel du salarié : on la favorise en organisant la rotation des tâches, qui encourage la diversification des relations personnelles ;
- de l’utilisation préférentielle de la communication asynchrone : il convient donc que l’entreprise soit attentive à la qualité de son service de messagerie.

On peut préciser en outre que la productivité s’exprime plus selon le nombre d’affaires traitées simultanément par un salarié (multitasking) que par le délai de traitement d’une affaire.

On ne doit pas exagérer la portée de ces conclusions puisqu’elles résultent de l’examen d’un cas particulier, mais elles sont suggestives. Chaque entreprise peut trouver avantage à faire une étude semblable à celle-ci pour préciser, mutatis mutandis, les facteurs qui favorisent l’apport des TIC à sa productivité.


[1] Sinan Aral, Erik Brynjolfsson, Marshall W. Van Alstyne, « Information, Technology and Information Worker Productivity : Task Level Evidence », MIT Center for Digital Business Working Paper, octobre 2006.

[2] « You can see the computer age everywhere but in the productivity statistics » (Robert Solow, New York Review of Books, 12 juillet 1987).