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Évolution de l’ordinateur

21 novembre 2003

La fabrication d’un ordinateur est, comme celle d’un circuit intégré, une industrie à coût fixe : la quasi-totalité du coût de production est dépensée dès la phase initiale de conception et de mise en place des usines. Le coût moyen de production dépend donc essentiellement de la taille du marché. C’est ce qui explique la déséconomie d’échelle qui caractérise le marché des ordinateurs. Plus un ordinateur est gros, moins il s’en vend ; le coût moyen de production des gros ordinateurs est donc plus élevé, et leur prix de vente aussi.

 

IBM 3090

Serveur Unix

PC

1 MIPS

300 000 F

2 500 F

50 F

1 Mo de disque

50 F

10 F

1 F

1 Mo de RAM

30 000 F

700 F

150 F

Source :

Ovum Ltd

Sun

PC direct

Comparaison des prix des matériels[1]

La fin de la « loi de Grosch »[2]

Herbert Grosch a énoncé dans les années 50 une loi empirique : la puissance d’un ordinateur étant fonction quadratique de sa taille, il est plus efficace d’utiliser une seule machine que deux machines de taille deux fois moindre. Cette loi, qui suggère une économie d’échelle et inciterait donc à s’équiper de préférence en gros ordinateurs, a été contredite dès la fin des années 60 avec le succès des mini-ordinateurs, et plus encore dans les années 80 avec les PC.

Exacte au plan physique, la loi de Grosch est fausse au plan économique : la taille du marché des PC permet de les vendre à un prix tellement bas que cela fait plus que compenser l’inefficacité physique que suscite la dispersion de puissance.

Le débouché des PC est d'autant plus important qu'au marché de premier équipement, très actif en raison de la baisse des prix et de l'effet de mode associé à l'Internet, s'ajoute un marché de renouvellement : comme la montée des performances est rapide, un ordinateur est bientôt jugé obsolète et sa durée de vie économique est de l’ordre de trois ou quatre ans. Chaque année le flux des ventes nouvelles est donc égal au nombre des nouveaux utilisateurs augmenté du nombre des utilisateurs anciens divisé en moyenne par 3,5 (cependant ce diviseur sera très sensible à la conjoncture).

La déséconomie d’échelle explique la tendance à la décentralisation de la puissance et de la mémoire des ordinateurs (architectures client / serveur, « downsizing » etc.). L’utilisation économiquement efficace de la ressource physique en informatique s’obtient en disséminant processeurs et mémoires et en les reliant par un réseau, même si chaque PC n’est utilisé que quelques pour cent du temps[3].

Le prix des micro-ordinateurs

Un coup d’œil sur l’indice du prix des micro-ordinateurs[4] suffit pour voir qu’il se passe quelque chose d’important. Cet indice baisse depuis 1990 de plus de 30 % par an ; une telle baisse est de nature à rendre la pénétration irrésistible : celui ne « veut pas entendre parler de l’ordinateur » oubliera ses réticences et « s’y mettra » lorsque le prix aura assez diminué.

Les tentatives visant à commercialiser des produits à fonctionnalités réduites censés coûter moins cher (« Network Computers » et autres) étaient vouées à l’échec : même si la conception et la mise en marche des usines coûtent moins cher que celles du micro-ordinateur, l’économie d’échelle que la taille du marché procure à celui-ci permet de faire baisser son prix davantage encore ; les produits que l'on aura tenté de placer dessous dans la gamme des prix sont écrasés : aucun produit concurrent ne peut résister à un baisse de prix d’une telle rapidité.

L’indice du prix de vente industriel des micro-ordinateurs calculé par l’INSEE est un indice « hédonique », c'est-à-dire qu'il est évalué à qualité constante. Il décrit donc non l’évolution du prix moyen auquel les micro-ordinateurs sont vendus, mais l’évolution du prix qu’aurait un micro-ordinateur de qualité constante si celui-ci était offert sur le marché durant la période couverte par l’indice[5] : il s’agit donc de l’évolution du rapport « prix moyen constaté sur le marché / qualité standard sur le marché ». 

Indice du prix de vente industriel des micro-ordinateurs

La baisse, continue, accélère en 1990. Le taux de baisse est ensuite à peu près constant. Pour mieux lire cette série, observons son taux de variation en équivalent annuel (le niveau « - 30 % » sur ce graphique signifie que l’indice a évolué ce trimestre-là à un taux qui, sur un an, correspond à une baisse de 30 %) :

Évolution du taux de variation annuel du prix des micro-ordinateurs[6]

Le prix diminue de 30 % par an, la baisse ayant connu des ralentissements en 2000 et 2003. Il n’existe pas, à notre connaissance, d’autre indice de prix industriel dont la baisse soit aussi prolongée et aussi rapide. Ce phénomène a eu des conséquences : nombre de vendeurs de micro-ordinateurs, prospères au début des années 1990, ont été ruinés par la dévalorisation de leur stock. La recette du succès est celle qu’a adoptée Dell : « tourner » avec un stock très faible et vendre sur l’Internet.

Le prix moyen de l’ordinateur baisse moins vite que l’indice de prix. Cependant il diminue : en francs français courants il était de 35 000 F en 1990, 17 000 F en 1994, il est aux alentours de 6 000 F en 2002, soit une baisse de 17 % par an. La baisse de l’indice s’explique donc pour moitié environ par la hausse de la qualité, pour moitié par la baisse du prix moyen[7].

Baisse du prix moyen des micro-ordinateurs (en kFF)[8]

Évolution tendancielle

Regardons comment les choses ont évolué depuis 1990 et prolongeons la tendance « pour voir » :

1) Le PC banal de 1990 a un processeur Intel 80386 ; sa vitesse d’horloge est de 16 MHz, son disque dur stocke 80 Mo, sa mémoire vive est de 2 Mo ; équipé des logiciels classiques du moment, il coûte 31 000 francs hors taxes (soit 41 000 francs hors taxes aux prix 2002).

2) Le PC banal de 2002 (Dell Dimension 2200) a un processeur Intel Celeron ; sa vitesse d’horloge est de 1,4 GHz, son disque dur stocke 40 Go, sa mémoire vive est de 256 Mo, il a des cartes son et vidéo et un lecteur de DVD ; équipé des logiciels classiques du moment, il coûte 904 € hors taxes (5 930 francs hors taxes), soit une baisse de prix de 85 % en 12 ans sans tenir compte de l’effet qualité.

3) Extrapolons en nous appuyant sur la loi de Moore et sans prendre aucune précaution. Le PC banal de 2014 aurait une vitesse d’horloge de 122 GHz, un disque dur de 20 To, une mémoire vive de 32 Go ; il coûterait 131 € hors taxes (860 francs hors taxes) aux prix de 2002.

.

On trouve sur l'Internet un indice mensuel américain calculé depuis janvier 1993 qui couvre le même champ que celui que nous venons de considérer[9].

L’INSEE publie également des indices des prix des composants essentiels du micro-ordinateur. Voici les indices de prix des mémoires et des « micro-processeurs, micro-contrôleurs et périphériques »[10].

Pour calculer l’indice du prix des micro-ordinateurs, l’INSEE observe un échantillon de machines sur lesquelles des caractéristiques physiques sont observées. En utilisant ces mesures, on peut rendre compte de l’évolution de ces caractéristiques[11].

La vitesse d’horloge moyenne des ordinateurs de bureau était ainsi de 14 MHz au début de 1988, de 362 MHz à la fin de 1998. Les valeurs correspondantes pour les portables étaient respectivement de 12 MHz et de 264 MHz. La vitesse d’horloge des portables est en moyenne inférieure de 22 % à celle des ordinateurs de bureau. La croissance s’accélère, et elle est durant les dernières années proche de 50 % par an. La dispersion des vitesses entre les divers modèles se réduit.

La capacité moyenne du disque dur d’un ordinateur de bureau était de 51 Mo au début de 1988, elle est de 5,4 Go à la fin de 1998. Les valeurs correspondantes pour les portables étaient respectivement de 28 Mo et de 4,6 Go. La capacité des portables a été en moyenne inférieure de 40 % à celle des ordinateurs de bureau. Cet écart a connu un maximum de 70 % en 1990, il est de 20 % à la fin de 1998. La croissance s’accélère ; elle est de 90 % par an en fin de période. La dispersion des capacités entre les divers modèles se réduit.


[1] Jean-Paul Figer, Les grandes tendances de l’évolution de l’informatique 1950-2010, 1996 http://www.figer.com/Publications/evolution.htm

[2] Paul E. Ceruzzi, A History of Modern Computing, MIT Press 1998

[3] Par contre, l’efficacité du système d’information s’obtient par une gestion rigoureuse de la cohérence sémantique, ce qui suppose la centralisation des référentiels et des données.

[4] Indice trimestriel du prix de vente industriel des micro-ordinateurs, www.insee.fr 

[5] Emmanuel Delame « Les bouleversements du marché de la micro-informatique », INSEE Première septembre 1995.

[6] Calculé en enchaînant les indices base 100 1990 et 1995. La courbe en bleu donne l'évolution de période en période. Pour améliorer la lisibilité du graphique, la courbe rouge indique le taux de variation après avoir fait une moyenne mobile sur cinq trimestres.

[7] Il est donc faux de dire que le prix reste constant parce que les machines se compliquent.

[8] Emmanuel Delame « Les bouleversements du marché de la micro-informatique », INSEE Première septembre 1995.

[9] Le rythme de baisse de l’indice américain est analogue à celui constaté en France sur la période récente ; toutefois on s’explique mal pourquoi l’indice américain diminue moins rapidement en 93 et 94 : il se peut que cela doit dû à une différence de méthode dans la prise en compte de l’effet qualité. Il est risqué de comparer des indices de prix calculés dans des pays différents. Voir U.S. Department of Labor, http://stats.bls.gov/ « Producer Price Indexes », « Personal Computers and Workstations », Series ID : PCU3571#14.

[10] Nous avons raccordé le premier indice, publié de 1989 à 1993 (en bleu), et le second indice publié depuis 1994 (en rouge).

[11] Jacques Champsaur, directeur général de l’INSEE, a bien voulu l’accorder l’accès à ces informations. Je le remercie, ainsi que l’équipe responsable du calcul de l’indice des prix industriels.