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Qu'est-ce qu'un ordinateur ?

21 novembre 2003

Si l’on vous demande « qu’est-ce qu’un ordinateur ? », une image semblable à celle-ci vous viendra sans doute à l'esprit :

C’est ainsi que se présente en effet aujourd’hui l’ordinateur sur la plupart des bureaux (« desktop ») : un écran, un clavier, une souris, une unité centrale, une imprimante, éventuellement une mémoire de masse auxiliaire. Ajoutons ce que le dessin ne montre pas mais qui est essentiel : un modem connecté à une prise téléphonique, ou bien une carte Ethernet connectée au réseau local. L'ordinateur en réseau équipe aujourd'hui la quasi totalité des postes de travail dans l'entreprise.

Une autre image rivalise avec la précédente : celle de l’ordinateur portable (« laptop », on le pose sur les genoux) composé d’un boîtier plat dépliable incorporant écran, clavier et souris :

L’ordinateur portable est à peu près deux fois plus cher qu’un ordinateur de bureau ; il n’a pas les mêmes performances ni la même fiabilité, mais il est commode pour les personnes qui doivent se déplacer souvent et ont besoin d’emmener leur ordinateur avec elles.

Ces « incarnations » de l’ordinateur sont datées. Le premier ordinateur, l’ENIAC, ne ressemblait pas aux ordinateurs ci-dessus :

L’ENIAC, 14 février 1946.

Jusqu’aux années 60, les ordinateurs sont restés de grosses machines. Le remplacement des lampes par des circuits intégrés dans les années 50 avait permis de réduire leur taille alors que leurs performances augmentaient, mais ils occupaient beaucoup de place et avaient besoin d’un local climatisé. Ils n’avaient ni écran, ni souris, ni clavier (si ce n’est le télétype de l’opérateur) : les commandes étaient perforées sur des cartes, les résultats imprimés sur des « listings ». Ceux qui ont débuté en informatique dans les années 60 se rappellent les paquets de cartes que l’on faisait passer par un guichet vers les opérateurs et qui revenaient, un ou deux jours après, accompagnés d’un listing ; celui-ci contenait une liste d’erreurs qu’il fallait corriger avant de faire passer de nouveau le paquet de cartes par le guichet, jusqu’à convergence du processus. En 1968, on dénombrait 30 000 ordinateurs dans le monde.

Dans les années 70 se sont mis en place les terminaux : ces couples écran-clavier permettaient de composer et tester les programmes en « temps réel », ce qui accélérait notablement la production. Certes leurs écrans noirs et leurs caractères verts étaient austères mais ils constituaient un grand progrès par rapport aux bacs à cartes.

La conquête de l’autonomie de l’utilisateur est venue avec le micro-ordinateur ; les premiers sur les bureaux furent l' Apple II (1977) puis le PC d’IBM (1981) et le Macintosh (1984).

Ingénierie de l’ordinateur

L'ordinateur est un automate programmable et donc adaptable à toutes les tâches que l’on assigne à la machine. Les autres organes de la machine sont comme ses bras, ses mains, ses capteurs sensoriels. 

L'ordinateur est la machine la plus compliquée que l'être humain ait conçue. Elle est compliquée non seulement dans les couches physiques (processeurs, mémoires, câblages) où s'organise la circulation des électrons, se régulent les tensions électriques, se dessinent les bits et se réalisent en binaire à toute vitesse les opérations de consultation des mémoires, calcul et écriture, mais aussi dans l'empilage des couches de langage nécessaires pour commander l'automate : microcode, assembleur, système d'exploitation, langage de programmation, enfin applications. 

Diversification de l’ordinateur

De quoi a besoin l'ordinateur pour fonctionner ? d’une mémoire, d’un processeur, d’un programme. Toute machine munie d’un processeur et d’une mémoire devient un ordinateur dès qu’on y charge un programme.

L’image de l’ordinateur que nous venons d’évoquer est donc trop étroite. Il convient de ranger sous le concept d'ordinateur les commutateurs du réseau téléphonique, bon nombre de nos appareils ménagers (ceux qui comportent une mémoire, un processeur et un programme), nos avions, nos automobiles etc. ou du moins la partie de ces équipements qui assure l’exécution du programme et que l’on appelle « ordinateur de bord ». Méritent également le nom d’« ordinateur » nos « Palmtops » (on les tient dans la paume de la main), téléphones mobiles et cartes à puce :

Faites l’exercice : combien d’ordinateurs portez-vous sur vous en ce moment même ?

Des recherches sont en cours pour accroître encore la portabilité de l'ordinateur : le « wearable computer » est « portable » au sens où l’on dit que l’on « porte » des vêtements. Même si les prototypes actuels sont un peu monstrueux, il suffit d’extrapoler leur miniaturisation pour voir qu’ils ne seront bientôt pas plus encombrants qu’une paire de lunettes et un téléphone portable :

Un appareil comme le Treo de Handspring conjugue déjà les fonctionnalités du téléphone mobile et certaines de celles de l'ordinateur :

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Connecté en permanence par une liaison sans fil, le « wearable » permettra à chacun d’accéder, où qu’il soit, à une ressource informatique personnelle de puissance et de mémoire résidant sur des serveurs dont la localisation lui sera indifférente. L’ubiquité de l’ordinateur sera alors totale puisqu’elle ne sera plus conditionnée par la proximité d’un poste de travail. L’écran sera remplacé les lunettes sur lesquelles se formera l’image ; le clavier, par un cahier de touches dépliable, par des touches projetées sur une table, ou par la reconnaissance vocale. Cet équipement fournira une prothèse à la mémoire et à la recherche d’information.

On anticipe sa puissance, les risques d’accoutumance qu’il comportera et les obstacles qu’il opposera aux rapports humains. Nous devrons, nous devons déjà apprendre à maîtriser l’ordinateur pour qu’il ne nous dévore pas[1].

Dans une dizaine d’années, l’image que tout le monde se fait aujourd'hui de l’ordinateur sera obsolète, tout comme sont aujourd’hui obsolètes les images de l’ENIAC, des cartes perforées, des grappes de terminaux reliées à un « mainframe », ou encore des rangées de bureaux équipés de machines à calculer que l'on voit dans les films de la fin des années cinquante[2]. Au delà de ces images éphémères, notre raisonnement réclame pourtant la fermeté d’un concept pérenne. 


[1] Mais avons-nous maîtrisé l’automobile, qui en 2000 a tué 7 600 personnes en France et en a blessé 162 100 (source : ONISR) ? la télévision, qui accapare notre attention 3 heures 20 par jour en moyenne (source : Médiamétrie) ? la consommation d’énergie, qui dégrade le climat (voir Jean-Marc Jancovici, L’avenir climatique, Seuil 2002) ? l’ordinateur n’est ni le seul défi posé à la sagesse humaine, ni le plus grave, même si la maturation de ses usages pose des questions délicates.

[2] Comme dans The Apartment de Billy Wilder (1960).