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Commentaire sur :
Caulaincourt, Mémoires, Plon 1933

25 septembre 2004


Liens utiles

- Le grand livre de la stratégie
- Talleyrand
- Mémoires de Fouché

La série télévisée intitulée « Napoléon » était moyennement intéressante, mais elle intriguait par la place qu’elle accorde à Caulaincourt (1772-1827), grand écuyer de l’Empereur : les historiens qui ont contribué à cette série se sont appuyés sur ses mémoires. Elles n’ont été publiées qu’en 1933 ; il est difficile de les trouver et c’est dommage, car elles mériteraient une réédition.

Caulaincourt avait été ambassadeur en Russie. Ce pays l’avait fasciné, ainsi que la personnalité du tsar Alexandre. Il fit son possible pour dissuader Napoléon d’attaquer la Russie mais l’Empereur ne voulut rien entendre : « Alexandre vous a séduit, vous êtes devenu un Russe », disait-il. Caulaincourt supportait mal de voir sa loyauté mise en doute.

Étant grand écuyer, il accompagne Napoléon lorsque celui-ci abandonne l’armée de Russie pour revenir à Paris. Il note chaque jour les incidents. Napoléon et lui circulent incognito d’abord en voiture, puis en traîneau à cause de la neige. Lorsque le traîneau traverse la Prusse, pays allié mais soumis, l’Empereur interroge Caulaincourt : « Si les Prussiens nous arrêtaient, que nous feraient-ils ? » « Ne sachant que faire de nous, ils nous tueraient[1] ». Prêts à vendre chèrement leur peau, les deux hommes vérifient leurs pistolets. Mais Napoléon envisage une autre hypothèse : « Craignant que je ne m’échappe ou de terribles représailles, les Prussiens me livreraient aux Anglais. Vous figurez-vous, Caulaincourt, la mine que vous feriez dans une cage de fer, sur la place de Londres, enfermé comme un malheureux nègre qu’on y dévoue à être mangé par les mouches, parce qu’on l’a enduit de miel ? ». Et de rire…

Les journées sont longues dans le traîneau, Napoléon cause sur tout et sur tous. Ces entretiens, notés sur le vif, sont sur sa façon de penser un témoignage précieux. Il ne donne pas une haute idée de son jugement. Napoléon croit par exemple possible de mater les Espagnols par la force. Il croit que l’armée laissée en Russie va se tirer d’affaire. Il estime être seul capable de « voir les choses de haut ». Il s’indigne contre ceux qui, en soutenant la tentative de Mallet, se sont montrés infidèles à sa dynastie – comme si une dynastie aussi récente pouvait susciter la fidélité !

Lorsque Napoléon et Caulaincourt arrivent à Paris ils ont du mal à se faire reconnaître par le poste de garde des Tuileries tant ils sont sales, barbus et hirsutes dans leur tenue de voyage.

*  *

Caulaincourt avait arrêté le duc d’Enghien en Allemagne. Il n’était pour rien dans son exécution mais après la Restauration l’opinion lui en fit porter la responsabilité. Il mourut désespéré.

C’est un homme à l’esprit clair,  droit, loyal, un soldat compétent et un organisateur énergique. Lorsqu’il était en désaccord avec Napoléon, ce qui arrivait souvent, il se faisait un devoir de le lui dire et il se faisait rembarrer durement.  

Napoléon apparaît, à travers ces mémoires, comme un hyperactif infatigable et insatiable, excellent capitaine sur le champ de bataille mais médiocre stratège, poussé en avant par son caractère jusqu’à la catastrophe inévitable.


[1] Vol. 2, p. 286.