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Commentaire sur :
Joseph Fouché, Mémoires, Imprimerie nationale 1992

7 mars 2005


Pour lire un peu plus :

- Mémoires de Caulaincourt
- Talleyrand
- Roger Wybot et la bataille pour la DST

-
Le SI du FBI

- La stupidité des va-t-en guerre

Fouché (1763-1820) passe vite sur son passé de conventionnel, sur la répression à Lyon : ce qui l’intéresse, c’est le temps qu’il a passé « aux affaires » comme chef de la « haute police » et proche conseiller du maître.

Pour Fouché, la révolution consiste à remplacer une aristocratie par une autre et, accessoirement, à modifier les valeurs de la société : « Quand on a le pouvoir, toute l’habileté consiste à maintenir le régime conservateur. Toute autre théorie à l’issue d’une révolution n’est que niaiserie ou hypocrisie impudente ; cette doctrine, on la trouve dans le fond du cœur de ceux mêmes qui n’osent l’avouer » (p. 71). Les hommes de la révolution, dont il est, doivent donc avant tout veiller à conserver les charges et places qu’ils ont conquises.

Mais Napoléon a, tout en s’appuyant sur la république, ressuscité la légitimité du pouvoir monarchique : il a créé ainsi les conditions favorables au retour des Bourbons. Cette perspective ne pouvait pas convenir au régicide Fouché. Par ailleurs la folie militaire de l’empereur compromettait la tranquillité de ceux qui, étant en place, voulaient jouir tranquillement de la richesse acquise. A partir de 1810, Fouché sera comme Talleyrand convaincu qu’il faut débarrasser la France de son tyran.

*  *

Dans Fouché, c’est le policier méthodique qui intéresse le plus. Il lui faut des données et des rapports car il s’interdit de raisonner à l’aveuglette. Mais « sans argent, point de police » (p. 92) : pour pouvoir payer les informateurs (parmi lesquels il comptera Joséphine elle-même, ainsi que le secrétaire particulier de l’empereur), il taxe le jeu et la prostitution.

Ses méthodes sont non pas cruelles, mais froidement efficaces : afin de maîtriser la situation en Bretagne et en Vendée, « j’envoyai des émissaires intelligents pour me tenir au fait de l’état des chose ; puis je m’assurai d’un certain nombre d’agents royalistes qui, tombés en notre pouvoir dans les départements agités, avaient à craindre ou la condamnation à mort, ou la déportation, ou un emprisonnement indéfini. La plupart avaient fait offre de servir le gouvernement ; je leur fis ménager des moyens d’évasion pour qu’ils ne fussent pas suspects à leur propre parti, dont ils allèrent grossir les bandes. Ils rendirent presque tous des services utiles, et je puis dire même que par eux et par les données qu’ils me fournirent, j’arrivai plus tard à en finir avec la guerre civile. » (p. 99). Fouché ne fait pas pleine confiance à ses informateurs et, pour établir sa synthèse et tirer ses conclusions, recoupe leurs rapports.

Cette méthode lui permet de désamorcer les complots, nombreux, contre la vie du premier consul puis de l’empereur, et de maîtriser dans une certaine mesure l’opinion publique. Soucieux de protéger les républicains et de se ménager des alliés dans l’ancienne aristocratie, il tempère autant qu’il le peut les élans répressifs du maître. Le portrait qu’il trace de celui-ci est plutôt noir, comme il convenait après 1815, mais il n’a pas inventé toutes les phrases qu’il cite et ses Mémoires – tout comme celles de Caulaincourt – montrent un Napoléon assez différent de celui de la légende.