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Commentaire sur :

Yves Tinard "L'exception Française" Maxima 2001

27 octobre 2001

C'est un livre irritant. Pourquoi la France est-elle la France ? parce que, dit Tinard, elle est catholique alors que les Américains sont protestants ; parce qu'elle croit en l'héritage des lumières alors que les Américains s'en fichent ; parce qu'elle reste attachée au modèle aristocratique de l'ancien régime que les Américains ont toujours ignoré, ainsi qu'au service public alors que les Américains préfèrent la libre entreprise ; parce qu'elle se méfie de la concurrence ; parce qu'elle reste pétrie par les corporations, etc.

Et alors, dira-t-on ? les Américains sont ce qu'ils sont, nous sommes ce que nous sommes. A chacun son histoire. Où est le problème ?

Le problème, c'est l'entreprise. Elle est mieux organisée aux États-Unis que chez nous, ce qui est normal puisqu'elle est au centre de leur modèle culturel, non du nôtre. L'auteur a beaucoup lu, beaucoup réfléchi, et s'il irrite cela ne l'empêche pas d'avoir souvent raison. Oui, la priorité de nos entreprises réside plutôt dans leur organisation interne que dans le rapport à leurs clients, quoi que l'on dise ; oui, elles sont parfois paralysées ou parasitées par des réseaux et des corporations ; oui, nous recherchons les privilèges comme les aristocrates de jadis et comme eux nous craignons la dérogeance, et le statut a pour nous plus d'importance que la production. Oui, nous avons des leçons à prendre de la part des Américains pour l'efficacité.

Il manque cependant dans ce livre le chapitre qui serait le plus utile : celui qui analyserait nos relations avec l'Amérique. Il serait trop simple de n'y voir que l'animosité, la fascination existe aussi. Bien souvent, nous prenons l'Amérique pour modèle, comme le fait l'auteur de ce livre lui-même. Il n'y a rien de mal à prendre des leçons d'autrui, mais la question est de savoir si ce sont de bonnes leçons. Si nous copions les mauvais côtés des Américains, ou si nous importons certains de leurs comportements sans d'autres qui en sont la contrepartie et les équilibrent, notre imitation de l'Amérique aura des effets négatifs.

Ce sera le cas si nous supprimons les services publics sans que l'initiative privée soit mûre pour  prendre la relève ; si nous rendons les licenciements faciles tout en continuant à mépriser les chômeurs ; si nous généralisons l'économie de marché (université payante etc.) tout en maintenant les barrières sociales que la gratuité permet de franchir.