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Commentaire sur :
Pierre Musso, Le vocabulaire de Saint-Simon, Ellipses 2005

27 mars 2005


Pour lire un peu plus :

- Qu'est-ce qu'une entreprise ?
- Télécommunications et philosophie des réseaux
-
Critique des réseaux
-
e-conomie

Ce petit livre est un bijou où se condense, avec simplicité et clarté, une expertise approfondie.

Passer par le vocabulaire, c’est sans doute la meilleure façon d’aborder un penseur. Sa pensée pivote en effet autour de quelques termes auxquels il confère un sens très précis, souvent différent du sens usuel. Les comprendre permet d’éviter d’entrée les contresens les plus tentants.

Mais pour présenter exactement le vocabulaire d’un penseur il faut avoir assimilé et compris sa pensée. C’est ce qu’a fait Pierre Musso qui pourrait, je crois, réciter par cœur l’œuvre de Saint-Simon (1760-1825).

Saint-Simon appartient à la génération qui enjambe l’ancien régime, la révolution, l’empire et la restauration. Cette génération a été instruite par une expérience mouvementée, cruelle mais exceptionnellement riche. Elle a découvert la république et aussi la machine, sur laquelle s'est bâtie à l'époque une « nouvelle économie ».

Saint-Simon a construit la théorie et de cette « nouvelle économie », et de la société nouvelle dont elle était le socle. Il a redéfini en conséquence les rôles du gouvernement, de la science, de la morale et de l’industrie.

Ce dernier mot, industrie, joue dans sa pensée un rôle central. C’est aussi celui sur lequel le risque de contresens est le plus élevé. Saint-Simon lui donne un sens proche de l’étymologie, et que l’on peut traduire dans notre langage par « travail productif agissant sur la nature » - à condition encore de comprendre que le mot « production » désigne pour lui la « production d’utilité », de « choses utiles », biens et services contribuant au bien-être de la société comme des individus.

On ne doit pas lire Saint-Simon en enfermant « industrie » dans le réseau des connotations aujourd’hui usuelles, qui le placent au voisinage exclusif des mots « usine », « mécanique » et « chimie » : le service produit par une banque est pour Saint-Simon une industrie. Le meilleur équivalent de ce terme serait finalement « entreprise » si, comme je le fais, on voit dans l'entreprise « le lieu où le travail des êtres humains s’organise afin d'agir sur la nature pour en obtenir des résultats utiles ».

La pensée de Saint-Simon, véhiculée mais quelque peu déformée par les saint-simoniens, a fourni son ressort intellectuel au développement économique français du XIXe siècle. Elle a par ailleurs inspiré des penseurs comme Auguste Comte (1798-1857), Stuart Mill (1806-1873), Karl Marx (1818-1883) etc.

Il est utile aujourd'hui de l’étudier sérieusement : ne sommes nous pas confrontés à une autre « nouvelle économie », avec ses possibilités et ses risques ? Ne devons-nous pas renouveler nos institutions, et ne faut-il pas pour cela renouveler notre réflexion ?