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 On parle de l’illettrisme, de 
l’ignorance chez les « jeunes », les « exclus » etc. Mais elle frappe aussi très 
fort dans l’aristocratie médiatico-politique.  
J’écoute parfois Alain 
Finkielkraut sur France Culture le samedi matin. Il est de ceux qui répètent que 
la France est en décadence, qu’elle tourne le dos à son héritage culturel,  que la barbarie se déploie sans 
garde-fou, etc. Il voudrait – et  personne ne peut lui donner tort – que les 
professeurs fussent écoutés en classe et que la mission de l’éducation nationale 
fût de transmettre des connaissances.  
Sans doute ne s’interroge-t-il 
pas assez sur les origines de l'éducation nationale, et n’a-t-il pas lu les textes fondateurs que cite Theodore Zeldin dans
Histoire des passions françaises. Pour pouvoir faire évoluer notre système éducatif, il faudrait 
pourtant d'abord connaître ses origines et ne pas idéaliser son passé.  
J’ai  sursauté quand j'ai 
entendu Finkielkraut affirmer que « jamais en France, à aucune autre époque, l’autorité n’a été 
autant méprisée qu’aujourd’hui ».  
Il suffit de lire les mémoires 
du temps pour voir que la société était autrefois beaucoup plus violente qu’elle 
ne l’est, que les autorités étaient beaucoup moins respectées qu’elles ne le sont. La 
France n'a jamais été un pays docile ! 
A la fin du XVIe 
siècle Sully décrit un pays ravagé par les guerres de religion : plus de routes, 
une agriculture dévastée, partout la misère, partout de dangereuses bandes de 
soldats déserteurs et de paysans réduits au désespoir.   
Au milieu du XVIIe 
siècle, les frondeurs menacent la vie du Roi qui est contraint de quitter sa 
capitale : il faut lire le cardinal de Retz. 
Au XVIIIe siècle un Parlement rebelle attise l’émeute et les grands 
seigneurs conspirent avec l’ennemi. « Quand on est éligible à la couronne, 
disait la duchesse du Maine, il ne faut pas hésiter à renverser l’État pour y 
parvenir » : il faut lire Saint-Simon.  
Fouché énumère les complots contre 
Bonaparte, puis contre Napoléon. Paul-Louis 
Courier, qui finira tué d’un coup de fusil par un voisin qui le jalousait, a décrit 
les violences qui s’exerçaient sous la Restauration entre les autorités et une 
population rétive. 
La
comtesse de Boigne et la
duchesse de Dino nous montrent  Louis-Philippe terrorisé : il ne sort plus des Tuileries et refuse de passer la 
garde nationale en revue parce qu’il craint, non sans raison, qu’elle ne lui 
tire dessus.  
D’après Haussmann, il existait 
au XIXe siècle à Paris – par exemple à l’endroit où se trouve 
aujourd’hui le parc Monceau – ce que nous appelons des « zones de non-droit » où 
la police ne peut pas se risquer. Le même Haussmann a failli, lorsqu’il était 
sous-préfet de Nérac, se faire assassiner dans la fameuse « auberge rouge » où 
l’on faisait de la charcuterie avec les voyageurs isolés. 
Eric 
Hazan, qui cite des textes d’époque, décrit les violences du début 
du XXe siècle entre parisiens et « immigrés » - qualificatif que l’on 
appliquait alors aux Auvergnats, aux Picards, à tous ceux qui n’étaient pas 
parisiens de souche. Si vous feuilletez les collections du Petit Journal, 
 
représentatif de la presse à sensation du début du XXe siècle, 
vous verrez que les assassinats, les incendies criminels, les agressions, les 
attentats anarchistes étaient alors fréquents.  
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Les intellectuels médiatiques, 
beaux parleurs d'une ignorance confondante, alimentent un catastrophisme à 
courte vue. Certes on doit déplorer les attentats qui se commettent de nos jours 
et il faut réprimer les malfaiteurs, mais il ne faut pas croire que ces violences 
n'ont pas eu de précédents. 
Un autre exemple d’illettrisme 
capricieux est donné par Claude Allègre qui, après avoir entrepris de 
bouleverser les lois de la mécanique, 
s’attaque aux chercheurs qui étudient l’évolution du climat. Je recommande la 
lecture du
commentaire de Jean-Marc Jancovici.  
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