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L'illettrisme de l'aristocratie médiatique

30 octobre 2006

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Pour lire un peu plus :

- La fracture numérique
- Manque de courage
- Quelle sécurité ?
- Mémoires du cardinal de Retz

On parle de l’illettrisme, de l’ignorance chez les « jeunes », les « exclus » etc. Mais elle frappe aussi très fort dans l’aristocratie médiatico-politique.

J’écoute parfois Alain Finkielkraut sur France Culture le samedi matin. Il est de ceux qui répètent que la France est en décadence, qu’elle tourne le dos à son héritage culturel, que la barbarie se déploie sans garde-fou, etc. Il voudrait – et personne ne peut lui donner tort – que les professeurs fussent écoutés en classe et que la mission de l’éducation nationale fût de transmettre des connaissances.

Sans doute ne s’interroge-t-il pas assez sur les origines de l'éducation nationale, et n’a-t-il pas lu les textes fondateurs que cite Theodore Zeldin dans Histoire des passions françaises. Pour pouvoir faire évoluer notre système éducatif, il faudrait pourtant d'abord connaître ses origines et ne pas idéaliser son passé.

J’ai sursauté quand j'ai entendu Finkielkraut affirmer que « jamais en France, à aucune autre époque, l’autorité n’a été autant méprisée qu’aujourd’hui ».

Il suffit de lire les mémoires du temps pour voir que la société était autrefois beaucoup plus violente qu’elle ne l’est, que les autorités étaient beaucoup moins respectées qu’elles ne le sont. La France n'a jamais été un pays docile !

A la fin du XVIe siècle Sully décrit un pays ravagé par les guerres de religion : plus de routes, une agriculture dévastée, partout la misère, partout de dangereuses bandes de soldats déserteurs et de paysans réduits au désespoir.  

Au milieu du XVIIe siècle, les frondeurs menacent la vie du Roi qui est contraint de quitter sa capitale : il faut lire le cardinal de Retz. Au XVIIIe siècle un Parlement rebelle attise l’émeute et les grands seigneurs conspirent avec l’ennemi. « Quand on est éligible à la couronne, disait la duchesse du Maine, il ne faut pas hésiter à renverser l’État pour y parvenir » : il faut lire Saint-Simon.

Fouché énumère les complots contre Bonaparte, puis contre Napoléon. Paul-Louis Courier, qui finira tué d’un coup de fusil par un voisin qui le jalousait, a décrit les violences qui s’exerçaient sous la Restauration entre les autorités et une population rétive.

La comtesse de Boigne et la duchesse de Dino nous montrent Louis-Philippe terrorisé : il ne sort plus des Tuileries et refuse de passer la garde nationale en revue parce qu’il craint, non sans raison, qu’elle ne lui tire dessus.

D’après Haussmann, il existait au XIXe siècle à Paris – par exemple à l’endroit où se trouve aujourd’hui le parc Monceau – ce que nous appelons des « zones de non-droit » où la police ne peut pas se risquer. Le même Haussmann a failli, lorsqu’il était sous-préfet de Nérac, se faire assassiner dans la fameuse « auberge rouge » où l’on faisait de la charcuterie avec les voyageurs isolés.

Eric Hazan, qui cite des textes d’époque, décrit les violences du début du XXe siècle entre parisiens et « immigrés » - qualificatif que l’on appliquait alors aux Auvergnats, aux Picards, à tous ceux qui n’étaient pas parisiens de souche. Si vous feuilletez les collections du Petit Journal, représentatif de la presse à sensation du début du XXe siècle, vous verrez que les assassinats, les incendies criminels, les agressions, les attentats anarchistes étaient alors fréquents.

*     *

Les intellectuels médiatiques, beaux parleurs d'une ignorance confondante, alimentent un catastrophisme à courte vue. Certes on doit déplorer les attentats qui se commettent de nos jours et il faut réprimer les malfaiteurs, mais il ne faut pas croire que ces violences n'ont pas eu de précédents.

Un autre exemple d’illettrisme capricieux est donné par Claude Allègre qui, après avoir entrepris de bouleverser les lois de la mécanique[1], s’attaque aux chercheurs qui étudient l’évolution du climat. Je recommande la lecture du commentaire de Jean-Marc Jancovici.


[1] Il a prétendu que si on lâche ensemble une boule de pétanque et une balle de tennis elles arriveront ensemble au sol. Or c’est faux sauf si l’on se trouve dans le vide absolu, situation qui n’est pas celle de l’expérience courante.