RECHERCHE :
Bienvenue sur le site de Michel VOLLE
Powered by picosearch  


Vous êtes libre de copier, distribuer et/ou modifier les documents de ce site, à la seule condition de citer la source.
 GNU Free Documentation License.


La richesse des Nations (2003)

18 octobre 2003


Liens utiles

- La France est-elle en déclin ?
- Relation entre richesse et démographie
- La richesse des Nations (2005)

L’INED vient de publier « Tous les pays du monde 2003[1] », qui fournit pour chaque pays les données démographiques disponibles ainsi que l’estimation du PIB 2001[2] par habitant. Le PIB par habitant, mesuré ici en $ US p.p.a. (« en parité du pouvoir d’achat »), évalue la richesse moyenne de la population du pays considéré. Nous l'appellerons « richesse » tout court.

Cet indicateur prête à discussion :
- comme les pondérations utilisées pour le mesurer reflètent la structure de la consommation dans les pays les plus riches, le PIB sous-évalue la richesse des autres pays
[3] ;
- le poids économique d’un pays doit être évalué non selon la richesse par tête, mais selon la richesse totale (produit de la richesse par tête par la taille de la population) ;
- la richesse par tête est une information insuffisante si on ne la complète pas par la mesure des inégalités ;
- cet indicateur reflète une situation instantanée qu’il n'explique pas, pas plus qu'il ne permet d'anticiper l'évolution future. 

Il convient donc de prendre cet indicateur pour ce qu’il est : une photographie imparfaite, incomplète, qui demande à être interprétée. Nous allons cependant tâcher de le faire parler.

Distribution de la richesse entre pays.

Considérons d’abord la courbe cumulative de la richesse en mettant en abscisse la population cumulée, en ordonnée la richesse cumulée (les pays sont empilés dans l’ordre de la richesse décroissante) : elle donne une vue synthétique de la répartition de la richesse mondiale entre pays. A eux seuls les Etats-Unis qui représentent 5 % de la population produisent 22 % de la richesse mondiale. La moitié de la richesse est produite par des pays qui représentent 13 % de la population. Les pays les plus pauvres, 20 % de la population, se partagent 4 % de la richesse.

Classement des pays les plus riches

Pour recouper richesse et démographie, il faut se fixer un seuil de taille : certains pays, concentrés autour d’une ressource spécifique (minière, géographique ou institutionnelle), constituent des exceptions : si la région Île-de-France était un pays, ce pays serait l’un des plus riches ; le Luxembourgeois, dont le pays s'est spécialisé dans la finance, est plus riche que l’Américain[4].

La mesure de la richesse sera plus significative si on considère une population de grande taille. En fixant le seuil à 20 millions d’habitants on conserve le tiers des 205 pays du monde et 89 % de la population mondiale[5].

Pour cinq de ces pays cependant la mesure du PIB n’est pas disponible : Myanmar (Birmanie), Afghanistan, Irak, Corée du Nord, Taiwan. Il reste finalement 56 pays représentant 86 % de la population mondiale. Nous allons examiner sur cet ensemble quelques corrélations significatives.

Regardons comment a évolué dans cet ensemble le classement des pays les plus riches. J’ai consulté pour cela trois éditions de « Tous les pays du monde », et obtenu le graphique suivant en retenant les neuf pays les plus riches :

La France (24 080 $) figure parmi les dix pays ayant plus de 20 millions d'habitants les plus riches. Cela ne signifie pas qu’il n’existe pas de misère en France, mais cette question concerne la distribution de la richesse et non son niveau moyen.

La France était classée quatrième en 1994 (après les Etats-Unis, le Japon et le Canada), sixième en 1999 (elle a été doublée par l’Australie et l’Allemagne), huitième en 2001 (elle a été doublée par le Royaume-Uni et l’Italie). Certains verront là un symptôme de déclin. Cependant une population qui comprend beaucoup de jeunes ou de vieux sera, à productivité égale, moins riche qu’une population qui a peu d’enfants ou une durée de vie courte. Il faut pour comparer les productivités mesurer plutôt le PIB par personne d’âge actif. On obtient le résultat suivant en ne considérant que la population dont l'âge se situe entre 15 et 65 ans :

La France était classée sixième en 1994, quatrième en 1999, elle est de nouveau sixième en 2001, année où le peloton de tête est resserré si l’on excepte les Etats-Unis et l’Espagne. Si l'on considère la productivité, on ne perçoit donc pas de déclin de la France.

Richesse et croissance de la population

Quand on met en relation le PIB par tête et le solde naturel (naissances moins décès), on voit  que la population des pays riches croît lentement ou même décroît (Allemagne et Italie) alors que la population des pays pauvres croît rapidement (Yémen, Congo ex-Zaïre). Un raisonnement économique « à la Adam Smith » voudrait que les personnes qui sont le plus « à l’aise » fussent celles qui ont le plus d’enfants : il est contredit par les faits. Cela s’explique par des raisons culturelles, des traditions - et aussi par le fait que, dans un pays pauvre, avoir des enfants est une façon de se garantir l’équivalent d’une retraite.

On ne pourra donc pas compter sur la démographie pour résorber les inégalités entre pays : toutes choses égales d’ailleurs, plus la croissance démographique est rapide moins la richesse s’accroît. 

Les anciens pays de l’Est (Ukraine, Russie, Roumanie) font exception : leur solde naturel est négatif alors qu’ils sont pauvres. Ce sont des pays dont l'économie est en convalescence et qui rejoindront dans quelques années le peloton des pays riches.

Les Etats-Unis font eux aussi exception : leur croissance naturelle est forte, alors qu’ils sont de loin le pays le plus riche. On remarque aussi la croissance de la population de l'Arabie Saoudite.

Dans le peloton des pays riches, la croissance de la population de la France est forte : elle n’est dépassée que par les Etats-Unis et l’Australie.

Richesse et espérance de vie à la naissance[6]

L’espérance de vie dans les pays les plus pauvres (moins de 5 000 $) s’étale de 40 ans (Angola) à plus de 70 ans (Sri Lanka). Au dessus de 5 000 $, l’espérance de vie est fortement corrélée avec la richesse ; elle est maximale au Japon (81 ans). La France se trouve dans le peloton des pays à fort PIB par tête et forte espérance de vie (79 ans).

On note deux exceptions à la tendance générale : l’Afrique du Sud, où l’espérance de vie (53 ans) est faible en regard du PIB par tête, et les Etats-Unis où l’espérance de vie (77 ans) est un peu plus faible que dans les autres pays riches. 

Sexe et espérance de vie à la naissance

Au niveau mondial, l’espérance de vie est de 65 ans pour les hommes, 69 ans pour les femmes, soit un écart de 4 ans (nous considérons ici tous les pays, quelle que soit leur taille).  En France, elle est de 76 ans pour les hommes et 83 ans pour les femmes, soit un écart de 7 ans.

L’écart est particulièrement fort dans certains pays : il est de 13 ans en Russie, 12 ans en Ukraine et en Biélorussie, 11 ans dans les pays baltes : l’alcoolisme masculin est la première explication qui se présente à l’esprit. 

Dans certains pays, l’espérance de vie des femmes est plus basse que celle des hommes : c’est le cas du Zimbabwe et du Swaziland (- 3 ans), fortement touchés par le SIDA, et de l’Afghanistan (-2 ans) où le sort des femmes est notoirement difficile.


[1] Gilles Pison, « Tous les pays du monde (2003) », Population & sociétés, n° 392, juillet-août 2003, http://www.ined.fr/publications/pop_et_soc/pes392/392.pdf . Pour pouvoir traiter ces données, faire un « Copier-Coller » vers Excel, utiliser les commandes « Données » et « Convertir », puis corriger la mise en forme du tableau.

[2] « Produit Intérieur Brut », évaluation de la richesse produite par un pays durant une année.

[3] Etienne Ntitebirageza, statisticien burundais, m’a dit ainsi que le PIB par tête de son pays (680 $) ne représentait pas son niveau de vie : il prend mal en compte les jardins familiaux, ressource importante pour l’alimentation des Burundais. 

[4] Au Luxembourg, pays qui compte 420 000 habitants, le secteur financier emploie 52 000 personnes et génère 38 % du PIB (Denis Robert, La boîte noire, Les Arènes 2002, p. 93). Le PIB par tête du Luxembourg est de 48 650 $, alors que celui des Etats-Unis est de 34 280 $.

[5] La population mondiale est évaluée en 2003 à 6 314 millions de personnes.

[6] Nous avons considéré ici la moyenne des espérances de vie des hommes et des femmes.