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Le budget du Système d'information
(Compte rendu du dîner du club des maîtres d’ouvrage www.clubmoa.asso.fr  du 19 mai 2003)


Liens utiles
-
Modélisation économique du système d'information
- Économie du SI et urbanisation

I – Typologie des postes de dépense

Contenu du SI

Le SI comporte le réseau des postes de travail (PC, RLE, serveurs, routeurs, WAN, logiciels, support utilisateurs, maintenance) : cet ensemble, dont on parle rarement lors des discussions budgétaires, représente plus de la moitié du coût du SI.

Le reste du coût se partage entre les dépenses consacrées aux mainframes et serveurs centraux, et celles consacrées aux progiciels et logiciels.

Dynamique des coûts

La maîtrise économique du SI suppose que l’on élucide la dynamique de ses coûts : les coûts d’investissement d’aujourd’hui suscitent des coûts de maintenance et d’exploitation durant les années suivantes.

Notons S le volume du stock (matériel et logiciel), et a son coût de maintenance,  δ son taux d’obsolescence ; notons N le volume du flux des investissements, et b son coût unitaire. Supposons que les coûts décroissent au rythme annuel k. Le coût annuel est alors :

Ct  = atSt + btNt = (aSt  + bNt)e-kt

L’évolution du stock est donnée par la relation suivante :

St + 1 = St + ΔSt = St(1 - δ) + Nt

Le stock est ainsi constitué par accumulation des investissements, et diminué par l’obsolescence.

Une économie mal connue

Souvent, la discussion budgétaire se focalise sur le coût de l’investissement informatique (les « projets »). Elle ignore le coût de la maintenance ainsi que le coût de la MOA (qui représente pourtant de l'ordre de 20 % du coût informatique d’un projet)

La dynamique des coûts est mal anticipée : or le coût d’exploitation et maintenance peut « étouffer » le budget du SI si l’on n’anticipe pas sa croissance.

La codification comptable des dépenses est souvent malencontreuse, et gêne la compréhension de l’économie du SI : on classe le coût des développements en dépense d’exploitation ; on mêle dans la TMA la maintenance vraie (MCO) à de nouveaux projets (« maintenance évolutive »).

Discussion :

Identifier le processus de cycle de vie d’un projet est un bon moyen pour n’oublier aucun poste de dépense : cela implique en effet notamment à évaluer les coûts de maintenance, ainsi que la durée de vie du produit.

Le classement comptable s’écarte souvent du classement économique (distinction entre immobilisation et dépense d’exploitation notamment) ; souvent, le contrôle de gestion et le directeur financier raisonneront en appliquant des règles comptables, ce qui masque l’économie du SI. Il faut savoir utiliser deux langages : celui de la comptabilité, indispensable pour répondre à la réglementation fiscale, et celui de l’économie.

L’obsolescence dépend pour partie :

-          de l’usure du logiciel, qui est elle-même fonction du nombre de modifications qu’on lui apporte : un logiciel se dégrade chaque fois qu’il est modifié ;

-          de l’évolution du métier, dont les processus peuvent dériver par rapport à ce qui avait été modélisé (réglementation, adaptation à de nouveaux marchés etc.).

Souvent, l’évolution du métier oblige à retoucher le logiciel, ce qui accélère son usure.

Les entreprises évaluent le coût des ressources humaines externes au prix du marché, et le coût des ressources internes selon un prix conventionnel, souvent très inférieur au prix du marché. Il se peut que le prix des ressources internes soit sous-évalué : on néglige de tenir compte par exemple du coût de la désorganisation induite par la mobilisation des experts de terrain par la MOA.

La connaissance des coûts peut avoir des finalités diverses : s’assurer que l’on respecte une enveloppe financière ; comparer diverses solutions entre elles ; vérifier que l’on n’est pas en train de « déraper ». Des évaluations en homme*jour peuvent suffire pour ce dernier point, mais il faut impérativement mesurer des coûts en euros lorsque l’on veut obéir à l’une des deux autres finalités.

Souvent la DSI ne fournit pas l’information sur les coûts, parce qu’elle ne l’a pas élaborée elle-même : elle dispose certes d’une information détaillée, mais elle ne la traite pas nécessairement de façon convenable ; la DSI est souvent sous-informatisée, ou bien elle élabore une présentation purement comptable et non économique.

Parfois le DSI préfère que l’entreprise ne connaisse pas le coût de son SI, parce qu’il risque de lui paraître très élevé. L’entreprise est trop souvent tentée de focaliser son attention sur le coût, sans évaluer la rentabilité du SI, et d’en tirer des conclusions biaisées.

Les DSI sont actuellement dans une situation difficile : ils doivent gérer à la fois une ressource humaine délicate, composée de spécialistes ; des problèmes techniques très complexes ; et une dimension financière importante pour l’entreprise. Aujourd’hui, où le turn-over des DSI s’accélère (durée de fonction moyenne : deux ans), il se conçoit que les DSI se mettent sur la défensive.

II - Méthode d’élaboration du budget

Les données initiales

La préparation du budget du SI part des informations suivantes :

-          Un cadre (plan d’urbanisme, schéma directeur etc.) donnant une visibilité pluriannuelle sur l’évolution du SI (NB : ce cadre n’est pas toujours disponible).

-          La liste des projets en cours, qu’il est nécessaire de poursuivre

-          Les nouvelles demandes des MOA (NB : la qualité de cette liste est variable : les demandes sont-elles priorisées ou non ? Le coût de chacune a-t-il été évalué ainsi que leur rentabilité ? Les demandes sont-elles classées en « TMA », avec l’ambiguïté que cela comporte, ou « en projet » ?

-          Les demandes de la DSI : Maintenance, dimensionnement et/ou rénovation de la plate-forme technique (réseaux, machines, logiciels)

-          L’état de la trésorerie : reports de budget disponibles, contraintes financières de l’entreprise

La discussion budgétaire

La qualité de l’arbitrage budgétaire dépend de la méthode suivie : a-t-il été convenablement préparé (clarté de la gestion de portefeuille, de la trésorerie), les parties prenantes sont-elles convenablement associées à la décision (MOAO, MOAD, MOAS, DSI, DG).

La portée de la décision budgétaire dépend de son appropriation par l’entreprise : s’agit-il véritablement d’une décision, ou fera-t-elle l’objet d’une remise en question récurrente ? la vision pluriannuelle du SI sera-t-elle mise à jour à partir de cette décision ?

Discussion :

Au printemps, on va définir le budget de 2004 sous forme d’une lettre plafond, accompagnée d’un argumentaire expliquant les raisons du cadrage. Cette lettre plafond permet à chacun de savoir où va l’entreprise. Il est important qu’elle soit signée du DG pour éviter toute contestation.

Puis les MOA font des demandes argumentées, par application ou ensemble d’applications. Il s’ensuit des arbitrages à divers niveaux jusqu’à ce que la dépense globale ait pu entrer dans le cadre fixé par la lettre plafond. Le point le plus important est de bien gérer la masse financière sur laquelle on va pouvoir jouer une fois payés le fonctionnement du stock et la poursuite des projets engagés (masse que l’on appelle « enveloppe réservée », « non récurrent », « budget libre » etc., et qui détermine le budget à consacrer aux nouveaux projets).

Souvent le processus de lancement des nouveaux projets focalise la discussion, les évolutions étant examinées de moins près. Un projet pluriannuel qui n’est pas terminé peut être soit reconduit, soit remis en cause en tout ou en partie : la discussion budgétaire donne l’occasion de réviser les décisions antérieures.

La qualité de la procédure suivie pour faire émerger les meilleurs projets est un enjeu important ; ceux qui possèdent l’art de bien présenter un dossier disposent d’un grand avantage tactique, d’autant plus que lorsque l’on élabore le budget (au début de l’été de l’année a – 1) on ne peut évaluer précisément ni le coût du projet, ni ce qu’il va rapporter.

Pour que la préparation du budget aboutisse à des conclusions raisonnables, il faut qu’elle soit accompagnée par un mécanisme permettant de pointer sur les sujets les plus sensibles.

III – Méthode de suivi du budget

Attribution du budget

Le budget a-t-il été attribué à la DSI (sous la forme d’une « enveloppe informatique ») ou à chaque MOA, responsable du coût de son SI ?

Si le budget a été attribué à la DSI, quels sont les moyens dont dispose la MOA pour faire prévaloir ses objectifs ? Lui est-il possible de mettre la DSI en concurrence avec des fournisseurs externes ? d’exercer des sanctions si la fourniture n’est pas conforme en termes de délais ou de qualité ?

Organisation du suivi de projet

Qui dirige le projet : un directeur de projet ? un MOAO ? un CP MOE ?

Chaque projet est suivi par divers comités : Comité d’avancement, comité de pilotage, comité directeur. Comment fonctionnent ces comités : leurs décisions sont-elles suivies d’effet ? ou bien les réunions se réduisent-elles à une pure liturgie ?

Qualité des reportings

Les comités sont informés par les reportings qui leur sont communiqués. Donnent-ils des indications sur la quantité de travail consommée ? le taux de réalisation des livrables ? le pourcentage du budget dépensé ?

Donnent-ils une visibilité sur les retards ? sur les dépassements ? comportent-ils des alarmes ?

Sont-ils remplis avec sérieux ? (un reporting dont le format est convenable, mais qui serait mal rempli, ne sert à rien).

Visibilité et interprétation du coût du SI

L’entreprise a-t-elle une vue complète sur le coût de son SI ? est-elle en mesure de distinguer les coûts MOE et MOA, externes et internes, les dépenses d’investissement, de maintenance et d’exploitation ?

Est-elle en mesure d’établir un rapport entre le coût et l’efficacité du SI ? d’évaluer sa rentabilité ?

Discussion :

Il importe de donner aux MOA les moyens de maîtriser le SI pour le bien de l’entreprise. Nous sommes tous d’accord pour penser que le monde serait meilleur si les MOA détenaient le budget du SI

Mais dans l’ensemble, ce sont plutôt les directions informatiques qui maîtrisent le budget. Il existe cependant au club au moins une entreprise où la MOA est en mesure d’ouvrir ou de fermer le robinet financier, même si la DSI tient le grand livre. Dans cette entreprise, un comité bimestriel peut lancer de nouveaux projets, différer ou arrêter un projet, sur instruction de la MOA.

La qualité des reportings tend à se dégrader en cours de projet : on démarre avec un bon format de reporting, puis on le remplit de plus en plus mal et il devient inefficace. Le sérieux du remplissage du reporting est un enjeu pour le suivi du projet.

On a trop tendance à se focaliser sur le coût des projets nouveaux, alors que la plus grande partie du coût du SI réside dans les dépenses récurrentes : l’infrastructure, les réseaux, les serveurs. Ces dépenses récurrentes croissent, mais on ne sait pas comment les mettre en question. Le budget informatique souffre du « syndrome du service voté » : la discussion ne porte que sur une petite partie du budget total.

On observe une différence entre les organismes publics et les entreprises privées. Ces dernières accordent une grande importance au résultat d’exploitation, alors que dans le public l’argent semble « tomber du ciel »…

Lorsqu’une entreprise n’a plus de développeurs en interne, le forfait serait la meilleure formule pour maîtriser les fournisseurs : mais si l’entreprise a perdu la maîtrise de ses techniques (« illettrisme technique »), elle sera tentée d’acheter les compétences nécessaires en régie, ce qui accroîtra encore sa dépendance.

Beaucoup de progrès sont à faire pour évaluer la rentabilité du SI, disposer d’un tableau de bord qui permette de connaître l’efficacité d’un euro investi en informatique.