| Le Cas Infotel 15 janvier 2000 La conception pédagogique de cette étude de cas,
transposée dune expérience réelle, est de Ghislaine Clot Lafleur (ENSPTT) 1. Préambule : Quest-ce que la collectique ? Le micro-ordinateur équipe une part croissante des postes de
travail ; à qualité constante, son coût diminue de
30 à 40 % par an et tout indique que cette baisse va se prolonger. Sa pénétration dans
les entreprises est irrésistible. Elle a des conséquences profondes sur leur
organisation, analogues à celles que Bertrand Gille a
décrites en évoquant le remplacement des moulins à eau ou à vent par la machine à
vapeur dans les manufactures à la fin du XVIIIème siècle, puis le remplacement de la
machine à vapeur par le moteur électrique à la fin du XIXème siècle. Tous ceux qui utilisent le micro-ordinateur communiquant
(messagerie, agenda partagé, transfert de fichiers) mesurent les potentialités de cet
outil, et ressentent le besoin de logiciels qui permettraient de les exploiter pleinement.
On désigne par le mot "collectique" (en anglais "groupware") un
ensemble de logiciels qui améliorent lefficacité de la bureautique communicante en
facilitant son utilisation pour le travail collectif. Ces logiciels ajoutent notamment, aux fonctionnalités déjà
anciennes de la messagerie, celles du forum, de la base documentaire, la possibilité de
mettre à jour les documents par échanges automatiques de messages entre des bases
diverses et de recopier automatiquement les bases dun serveur de réseau local
vers un autre serveur. Après son lancement en 1989, le logiciel
"Notes" de Lotus a joui dun monopole de facto sur le marché de la
collectique : aucun autre logiciel napportait aux utilisateurs la même richesse de
fonctionnalités ni une plate-forme permettant de développer des applications
spécifiques. Puis il a eu des concurrents : "Exchange" de Microsoft, en 1996,
et les évolutions du " World Wide Web " sur Internet. L'Intranet est
devenu le support normal des applications de collectique.  La collectique, que certains jugeaient
futuriste, devient courante et même banale sur le plan technique. Cependant il sen
faut de beaucoup que ses implications sur le plan de lorganisation des entreprises
aient été tirées. Le cas qui vous est présenté illustre la mise en oeuvre
dun service de collectique, que nous baptiserons Infotel, chez un grand opérateur ,
Euro Telecom. Il date de 1995, ce qui explique les choix techniques faits pour cette
réalisation. Mais l'intérêt de ce cas ne réside pas seulement dans son aspect
technique et donc daté : il montre comment, à partir dune modeste question
defficacité, ont été mises en place des fonctionnalités qui ont eu des effets en
termes dorganisation , et comment le succès de lopération - sur le plan de
lorganisation comme sur le plan technique - a ouvert de nouveaux horizons
fonctionnels, suscitant de nouveaux développements qui ont eu à leur tour des effets sur
lorganisation, etc.   Première partie : contexte
et objectifs de la mise en oeuvre dInfotel Lopérateur Euro Telecom, confronté à une concurrence
croissante, a engagé en 1992 une réorganisation de ses structures afin de "mettre
la clientèle au coeur de lentreprise". Lenjeu est de passer dune
entreprise de production, où le développement était porté par linnovation
technologique, à une entreprise de service, tournée vers le client, où les
investissements seraient jugés en fonction de critères commerciaux. La Direction Grand public a pour objectif de développer
lusage du téléphone et des autres produits auprès du plus grand nombre afin
dassurer la croissance attendue du trafic. Elle comprend des unités regroupant sur
un même marché la force de vente, les services de gestion et les services techniques,
ainsi qu'un soutien à la force de vente jouant un rôle de prestataire de service
interne. Le soutien à la force de vente est un centre de profit, autonome, qui facture
ses prestations. La force de vente de Euro Telecom sur les marchés Grand
Public comprend 2 000 personnes environ, dispersées dans des agences commerciales.
Compte-tenu du volume de la clientèle , cette force de vente est dabord
généraliste . Elle reçoit des instructions et documentations qui lui permettent de
répondre à la plupart des problèmes techniques, commerciaux, juridiques etc., que pose
la clientèle, mais se trouve parfois prise de court.  Cest pourquoi le responsable du Soutien à la force de
vente de la Direction Grand Public a décidé, en 1992, de développer et professionaliser
le soutien à la première ligne, en mettant en place un plateau téléphonique
permettant daiguiller les questions des vendeurs en première ligne vers des
experts. 
  
    | Interview de Monsieur
    Edison, responsable de la Direction Grand Public : " Mon objectif était de professionnaliser la force de vente de
    première ligne, celle au contact de la clientèle. Avec larrivée de la
    concurrence, pas question de tolérer une défaillance dans le contact client; le client
    choisit de plus en plus le produit en fonction de la qualité du service quassure la
    première ligne. Mon souci était daméliorer encore lefficacité de la force
    de vente, et notamment son taux et sa rapidité de réponse à la clientèle. Cependant, on ne peut pas demander aux commerciaux en
    première ligne de tout savoir sur lensemble de nos produits et services. Nous avons
    donc mis en place une organisation permettant à la première ligne de recourir aux
    ressources en expertise de lensemble de lentreprise. Cette configuration a une
    grande généralité. La plupart des grandes entreprises de service ou de commerce
    évoluées distinguent en effet une première ligne dispersée géographiquement pour
    pouvoir être proche de la clientèle, et des ressources en expertise concentrées dans
    des "bassins de compétence" où les experts trouvent un milieu professionnel
    favorable. La mise en relation de la première ligne et de lexpertise pose problème
    à toutes ces entreprises. Nous cherchions un service qui permettrait de dépanner les
    commerciaux à court de réponse face à une demande client en orientant chaque question
    vers lun des 200 experts qualifiés de la Branche Grand Public, répartis sur tout
    le territoire. Une personne de la première ligne nappellerait le plateau que
    lorsque les autres moyens à sa disposition (documentation, applications
    téléinformatiques) feraient défaut. " |  Le plateau téléphonique, implanté à Babylone, à 500 km
de la capitale, compte 9 personnes. Ce sont majoritairement des hommes de niveau Bac + 2 ;
leur affectation au plateau téléphonique est leur second ou troisième emploi dans
lentreprise : ce sont des personnes à la fois jeunes et expérimentées. Le plateau téléphonique joue plusieurs rôles :  - accueil, façade de lentreprise sur le réseau
téléphonique ;  - " hot line ", soutien technique
apporté aux clients ou aux forces internes ;  - assistance téléphonique, mise en relation de la première
ligne avec les ressources en expertise ("back office"), 200 experts répartis
sur le territoire national. Le plateau téléphonique dépend du service de soutien à la
force de vente grand-public, dont la direction est implantée à Syracuse. Les 200 experts
sont regroupés par " paquets " dans 14 sites dispersés sur le
territoire national. Ils dépendent des sites dans lesquels ils travaillent, qui relèvent
eux-mêmes de la branche grand public La direction du service de soutien à la force de vente
grand-public Les plateaux téléphoniques sont équipés dACD ou
dICD, PABX spécialisés qui fournissent des fonctionnalités évoluées. Peu après la mise en place du plateau, le responsable du
Soutien à la Force de Vente observe des dysfonctionnements. 
  
    | Interview de Monsieur
    Morse, responsable du Soutien à la force de vente Grand Public " Le recours aux experts a fortement augmenté, renchérissant
    fortement le coût de notre organisation : nous pensions que le personnel du plateau
    serait capable de répondre directement à un nombre important de questions en provenance
    de la première ligne, mais dans son taux de réponse était seulement de 10%. Le coût de
    recours aux experts a donc explosé, compte-tenu de leur coût de journée (700 Euro/jour)
    ; cela sest également traduit par des lenteurs dans la réponse à la première
    ligne. Nous avons donc envisagé des solutions autour de
    référentiels de connaissances, au niveau du plateau téléphonique, qui permettraient
    daugmenter le taux de réponse direct des opérateurs du plateau téléphonique et
    de les rendre plus efficaces. Il fallait mettre en place ce service de manière urgente.
    Les délais de réalisation des solutions informatiques classiques ne le permettaient pas. Le Directeur du Développement ma mis en rapport avec
    la société Eutelcom, à qui jai demandé de mettre en place un référentiel de
    connaissances au niveau du plateau. Le coût de la solution proposée était raisonnable,
    et son délai de réalisation court. Je retins donc cette société. Jai alors mis
    en place une structure projet, impliquant les responsables du Plateau, à Babylone, et
    ceux de la direction du service de soutien à la force de vente, à Syracuse. Elle était
    chargée de réaliser les études préalables aboutissant aux spécifications
    fonctionnelles, avec lassistance dEutelcom" Interview de Monsieur Chappe, Directeur à Eutelcom : "Eutelcom se trouvait au début de 1993 dans une
    situation désagréable : sous limpulsion dun de ses associés, qui avait
    compris de façon précoce limportance de la collectique, elle avait acquis à
    grands frais une compétence dans ce domaine. Cependant cette compétence navait
    jamais été utilisée dans un projet. Eutelcom navait donc pas de référence, et
    risquait de perdre le fruit de sa qualification si elle ne trouvait pas un premier client
    qui lui fasse confiance. Nous avions présenté des logiciels de collectique au
    Directeur du Développement dEuro Télécom, et insisté sur limportance de
    cette nouvelle famille de logiciels pour la communication dentreprise, et par voie
    de conséquence pour Euro Telecom. Grâce à ce contact nous avons réalisé une maquette
    dannuaire téléphonique pour le service des grands comptes. Cette maquette,
    réalisée dans un délai très court, parut assez convaincante pour que le Directeur du
    Développement mette Eutelcom en contact avec la Direction Grand Public. Avant notre intervention, la première définition du service
    était rustique : la question reçue par le plateau téléphonique était notée puis
    transmise à un expert par télécopie. Lexpert répondait au Plateau, et sa
    réponse était saisie puis envoyée au demandeur, toujours par télécopie. Les réponses
    étaient archivées par ordre chronologique. Les opérateurs du Plateau étaient capables de répondre
    directement à certaines questions répétitives ; cependant constituer un référentiel
    informatique à partir des questions et réponses, au lieu de les conserver sur support
    papier, pouvait faciliter les recherches, donc accroître le taux des réponses fournies
    directement par le Plateau. Ceci devait permettre une diminution du coût du système et
    une réduction du délai de réponse. La première demande adressée à Eutelcom concernait ce
    référentiel : il fallait le définir, ainsi que sa procédure dalimentation et de
    consultation. Les démonstrations réalisées devant la Direction Grand Public
    orientèrent le choix vers une plate-forme Lotus Notes, qui permettait de construire et
    gérer une base documentaire. Les fonctionnalités que nous avons développées pour la
    branche Grand Public dEuro Telecom ressortissent non de la téléphonie, mais de la
    bureautique communicante : il sagissait de fournir à lopérateur les moyens
    dêtre plus efficace lors de la communication. Dans le langage du modèle en
    couches, nous avons travaillé sur des applications situées "au-dessus" de
    lACD. Dans lassistance téléphonique à la première ligne,
    le plateau téléphonique est au sommet dune pyramide de services à valeur ajoutée
    : une personne de la première ligne nappelle le plateau que lorsque les autres
    moyens mis à sa disposition (documentation, applications téléinformatiques) ont fait
    défaut. Le plateau, cest donc le recours ultime. Cest lui qui dépanne la
    première ligne, ou qui la laisse définitivement en panne.  Pour alimenter le référentiel, il aurait été peu efficace
    de ressaisir des documents déjà tapés par les experts ou les opérateurs du Plateau. La
    meilleure façon de procéder était dutiliser Lotus Notes pour échanger questions
    et réponses entre opérateurs et experts, puis thésauriser cet échange au fil de
    leau dans le référentiel. Il était facile dintroduire dans les masques de
    saisie des cases permettant de saisir des données structurées ou des indicateurs de
    classement facilitant les recherches ultérieures des opérateurs. Dailleurs les
    recherches en texte intégral que permet Lotus Notes pouvaient être aussi dun bon
    secours.  Mais par rapport aux utilisations de base de la collectique
    (qui consistent en applications développées rapidement en partant de modèles fournis
    par Lotus Notes), ce service était un " mouton à cinq pattes ". La
    plate-forme de développement que comporte Notes permettait de le construire, mais non
    sans quelques subtilités techniques ;comme tous les logiciels bureautiques , ce langage
    est bogué: alors que le programmeur travaille de façon conforme à la notice, le
    programme ne marche pas. Il faut pour contourner cet obstacle connaître des
    " astuces " de programmation qui ne sapprennent que par
    lexpérience.  A ce moment là, notre client nous a demandé une prestation
    supplémentaire : il sagissait de mettre comme prévu le référentiel en place,
    mais aussi dorganiser entre experts et opérateurs un
    " workflow " dont la boucle consistait en un suivi de la question puis
    de la réponse, accompagné dun contrôle du délai de réponse. Cest là que
    les choses se sont compliquées sérieusement : dans lancienne organisation,
    quelques " responsables de domaine " coordonnaient et contrôlaient
    chacun les travaux de plusieurs experts. Or, les indications fournies au fil de leau par le
    " workflow " que nous mettions en place permettaient de réaliser à
    travers lapplication cette coordination et ce contrôle, et rendaient inutile
    lemploi de ces personnes. La mise en place de notre application entraînait donc,
    comme cela arrive souvent, la suppression dun niveau hiérarchique. Cette question
    navait pas été anticipée lors de la conception de lapplication. " |  Deuxième partie : la mise en place de
lapplication Déroulement de la mise en place La mise en place de lapplication se fait fin 1993, mais
se heurte vite à des obstacles : obstacles techniques, dûs aux erreurs et
" bogues " de lapplication, mais surtout humains . Dès la première semaine de mise en oeuvre de
lapplication, les responsables de domaine vont trouver Monsieur Morse pour demander
des explications sur ce quils vont devenir. 
  
    | Interview de Monsieur
    Morse "La mise en place de
    lapplication sest heurtée à des obstacles imprévus: dabord des
    problèmes techniques innombrables, mais surtout des problèmes humains. Pour moi le
    développement de cette application était dabord technique, et je navais pas
    anticipé ses répercussions sur un plan organisationnel. Je ne métais penché sur
    laffaire quau moment de la mise en oeuvre, et cétait sans doute tard,
    car je nai pu traiter les questions dorganisation et trouver des solutions
    dans le calme. La structure-projet que jai mis en place au début ne traitait que
    des fonctionnalités de lapplication, et pas des aspects organisationnels et
    humains.  Les responsables de domaine ont compris, dès la première
    semaine, que lapplication rendait leurs fonctions inutiles et conduirait à
    supprimer leurs postes. Ils sont donc venus me voir pour me dire " Et moi,
    quest-ce que je deviens avec cette application qui supprime mon boulot ? " Il a fallu trancher, à chaud, des questions
    dorganisation. Jai failli tout arrêter, puis jai décidé
    dassumer les risques des changements dorganisation, qui de toutes façons
    allaient se poser un jour ou lautre avec louverture à la concurrence.  Jai demandé à Eutelcom dintervenir pour un
    diagnostic sur limpact organisationnel dInfotel, notamment sur les personnes
    dont lemploi allait être supprimé ;puis jai lancé des groupes-projets
    chargés de mettre en place le suivi et le reclassement des personnes,auxquels
    participaient également les consultants dEutelcom. Par la suite nous avons
    pris des mesures pour la réaffectation des personnes dont lemploi avait été de
    facto supprimé " Interview de Monsieur Chappe, Directeur dEutelcom "Ni la conception, ni la réalisation techniques ne
    furent aisées. Même si les ingénieurs qui sen chargeaient étaient
    expérimentés, cétait notre première réalisation de ce type. Lécriture
    des logiciels fut une aventure pénible, émaillée de conflits avec les sous-traitants,
    de réécritures pendant la nuit ou le week-end, de débogages à chaud, etc. Mais nous
    avons craint le pire quand les responsables de domaine ont menacé de faire capoter
    lopération.  Le client sétait comme toujours fait de
    lapplication une idée " presse-bouton " ; nous navions
    pas été invités à donner notre avis sur les questions dorganisation quelle
    pourrait soulever, et nous navions pas pu au début rencontrer les responsables qui
    auraient été sensibles à ces questions. Notre expérience était dailleurs trop
    limitée pour que nous puissions faire sur ces points là acte dautorité, et
    inviter le client à traiter les questions dorganisation de façon préventive.
    Elles se sont donc posées dans les plus mauvaises conditions. Notre client avait mis en
    place une structure-projet, avec des groupes de travail, mais les participants aux groupes
    de travail étaient à la fois des responsables hiérarchiques qui venaient peu souvent,
    des responsables opérationnels, très présents, et des utilisateurs pilotes de terrain.
    Heureusement, le chef de projet était un opérationnel sérieux, cétait lui qui
    encadrait en fait le plateau téléphonique. Nous avons vraiment eu peur que notre client renonce à la
    mise en oeuvre dInfotel. La question était dautant plus dangereuse
    quelle se posait pendant la semaine consacrée au repérage des erreurs et au
    débogage, phase éprouvante pour des utilisateurs inquiets, qui prennent dailleurs
    souvent une bogue facile à corriger pour un vice rédhibitoire. En traitant les questions dorganisation et de
    fonctionnalités relatives au plateau téléphonique, nous avions touché à un point
    sensible. " |  Premiers fonctionnements de lapplication Lensemble des mesures décidées par M. Morse et les
correctifs techniques apportés à Infotel par Eurocom permettent déquiper
effectivement le plateau téléphonique fin 1993, ainsi que quelques experts volontaires.
Lapplication peut fonctionner. Tous les opérateurs du plateau sont équipés,
tandis quenviron une dizaine dexperts pilotes le sont au départ. Mais de
nouveaux problèmes se posent.... 
  
    | Interview de Monsieur
    Chappe, directeur à Eurocom "Lors
    du lancement, nous avons évité de justesse un découragement des experts pilotes, suivi
    dune catastrophe technique, puis de difficultés lors de linstallation des
    sites utilisateurs. Comme il était plus facile pour un opérateur de rédiger un
    message Notes, puis de cliquer sur un bouton pour lenvoyer (procédure pour un
    expert pilote), que de taper un texte, limprimer et lenvoyer par télécopie
    (procédure pour un expert non pilote), les experts pilotes ont reçu une part élevée
    des demandes et ont été submergés de travail. Ils en ont conclu quavec cette
    application qui leur envoyait des dizaines de documents électroniques par jour
    cétait lesclavage, et nous nous sommes trouvés avec des experts pilotes en
    pleine révolte ! La réputation de lapplication était en danger. Pour pallier cet inconvénient, il fallait que lenvoi
    des informations aux experts se fasse selon une procédure identique, que lexpert
    soit pilote ou non. Nous avons donc développé une application qui, à partir dune
    saisie sur Notes, aboutissait de façon transparente pour lopérateur à lune
    des deux conclusions suivantes : envoi dun message Notes à un expert pilote, ou
    envoi dune télécopie via le serveur de télécopie si lexpert concerné
    nétait pas expert pilote. Dès lors le biais entre les experts pilotes et les
    autres était supprimé.  Mais alors se produisit une catastrophe technique : le
    serveur de télécopie que nous utilisions était prévu pour diffuser les résultats de
    la recherche vers la première ligne, et navait pas été dimensionné pour
    transmettre aussi les questions aux experts. Surchargé de communications, il sest
    mis en panne ; comme il était solidaire du serveur Notes sur le réseau local du Plateau
    pour des raisons de protocole de communication quil est inutile dexpliquer
    ici, cette panne entraîna une panne du serveur principal, gestionnaire des échanges de
    documents, et par voie de conséquence de lensemble de lapplication.  Tout cela fut diagnostiqué et réparé assez rapidement,
    mais non sans coût (il fallut en fait installer un second serveur de télécopie sur le
    réseau local du Plateau). Lincident était riche en enseignements, car nous aurions
    pu le prévoir si nous avions eu en tête une représentation correcte de la logique des
    flux dinformation. Il existe une analogie entre la physique de l'information
    (volumes, dimensionnement) et celle de l'hydraulique. Les flux dinformation ne se
    compriment pas, ne se perdent pas ; ils se dirigent vers les canaux qui leur sont offerts
    et, si ces canaux sont trop étroits (dimensionnement trop réduit, quil
    sagisse des mémoires, des processeurs ou des circuits de transmission), ils font
    tout casser comme une inondation qui emporte tout. Cette analogie permet de prévoir et
    d'anticiper les réactions d'un système. Nous pensions avoir réglé lensemble des problèmes,
    quand nous eûmes à faire face à une nouvelle série dincidents, au moment de
    linstallation des sites utilisateurs (léquipement des experts). Les experts
    avaient bien des PC, mais ces PC nétaient pas tous reliés à un réseau local, or
    cest indispensable pour utiliser lapplication. Il fallait donc mettre les PC
    des experts à niveau. Dans un contexte déquipement local sinistré, ce ne fut pas
    une mince affaire. Lorsque lon met en place une application communicante,
    on rencontre souvent des difficultés imprévues sur les sites à équiper. Ainsi un PC
    est bien relié à sa prise sur le RLE (LAN en anglais), mais les fils de cuivre
    correspondants sont " en lair " dans le sous-répartiteur et le
    PC nest donc pas connecté (ce dont personne ne sest rendu compte parce que
    lutilisateur se servait uniquement dapplications qui tournaient en local sur
    son PC). Ou bien un PC utilise une carte RNIS qui marche bien ; on change de carte, et
    plus rien ne marche : il faut du temps pour découvrir que la première carte était
    alimentée par le PC, que la seconde carte devait être alimentée par la prise RNIS, et
    quelle ne pouvait pas fonctionner parce que les câbles dalimentation
    navaient pas été raccordés à la prise RNIS de ce PC.  Les incidents sont parfois dus aux fournisseurs : ainsi le
    logiciel du serveur de télécopie a été modifié ; lancienne version fonctionnait
    sur un processeur 386, mais la nouvelle exige un 486. Il a fallu expliquer au client
    quil devait acheter un micro-ordinateur supplémentaire.. Régler de tels problèmes à chaud est difficile : il faut
    poser le diagnostic et intervenir rapidement. Ce travail requiert des compétences
    techniques élevées, une grande habileté manuelle, beaucoup dexpérience et un
    grand esprit de décision, ce qui a un prix que le client nest pas toujours prêt à
    payer. Lors du passage à la " vraie grandeur ",
    les travaux nécessaires pour linstallation sur des sites nombreux ont dépassé les
    capacités physiques de notre petite équipe et nous avons dû les sous-traiter. Un
    premier sous-traitant, choisi sur la recommandation du chef de projet client, sest
    avéré inadapté : il pensait avoir fini son travail lorsquil avait parcouru une
    liste convenue dinterventions, et ne se sentait pas concerné si linstallation
    du client ne fonctionnait pas. Le client avait tendance à croire Eutelcom responsable des
    conséquences des errements de ce sous-traitant, et nous avons dû nous battre pour
    obtenir quil soit remplacé par une grande entreprise disposant de personnels
    compétents dans toutes les régions. A notre décharge, il faut également souligner le fait que
    lors de la mise en oeuvre opérationnelle dInfotel, Euro Telecom a désigné un
    responsable dapplication, dun niveau à mon avis insuffisant, pour assurer les
    tâches dadministration (contrôle et gestion des droits daccès et
    réplications entre serveurs), et danimation. On considère en effet à Euro Telecom
    que la responsabilité dune application est une tâche dun niveau modeste.
    Ceci nest pas vrai lorsquil sagit dapplications de groupware, qui
    posent toujours de délicats problèmes dorganisation et donc de politique. Il est
    difficile de faire désigner pour ces applications des responsables au bon niveau." |  Une fois lensemble de ces problèmes résolus, les
installations des sites experts, localisés dans six villes différentes, ont pu se faire. Annexe 1 : Description dInfotel Le fonctionnement dInfotel est décrit ci-dessous. Le
Plateau (Centre d'accueil téléphonique) est chargé de centraliser les questions posées
par les clients (première ligne) via l'appel d'un numéro vert. Outre ce rôle, les chargés de dossiers du Plateau : - vérifient l'authenticité des clients et la
validité de leur abonnement, et créent un dossier par appel ; - consultent une base Notes pour y chercher des
réponses types pour la question posée ; si la réponse existe, elle est communiquée au
client par téléphone, puis télécopiée ; - préparent le travail des experts en saisissant
dans une base Notes la question si celle-ci requiert un niveau d'expertise supérieur ;
ils doivent segmenter la question pour permettre de définir les réponses à donner :
c'est un exercice difficile quand la question recouvre plusieurs domaines d'expertise
différents ; - consultent une matrice Notes de diffusion afin de
déterminer les domaines d'expertise compétents, transfèrent la communication
téléphonique et routent le dossier par messagerie Notes. Sur chaque domaine d'expertise, un responsable de permanence oriente
le dossier vers un expert disponible. L'expert fournit au client par téléphone les premiers éléments
de réponse et l'avertit du délai nécessaire pour lui transmettre une réponse complète
par écrit. L'expert prépare la réponse, la fait valider par le responsable du domaine
d'expertise puis la transmet par Notes au Plateau. Ce dernier envoie la réponse au client
via la passerelle Notes/Fax, puis clôture le dossier. Le schéma ci-dessous présente les étapes du traitement des
questions posées par les clients, et les acteurs pouvant intervenir dans le processus. Il
inclut le suivi de l'appel téléphonique et les personnes pouvant intervenir au cours de
l'appel. 
 1. réponse directe du Plateau 2. transmission au domaine d'expertise - réponse en moins d'une
heure 3. transmission au domaine d'expertise - réponse en moins de 4
heures 4. transmission au domaine d'expertise - réponse nécessitant une
durée d'étude plus importante 5. la question ne concerne pas le Soutien à la force de vente Grand
Public Troisième partie : bilan La mise en place dInfotel a eu des
conséquences au-delà des objectifs assignés initialement au service, et a nécessité
de résoudre de nouveaux problèmes qui navaient pas été anticipés. 
  
    | Interview de Monsieur
    Morse, responsable du Soutien à la force de vente grand public " Lévolution de la relation économique
    entre Infotel, ses clients et ses fournisseurs était délicate. En effet, Infotel paie la
    consultation des experts et vend des services à la première ligne. Il fallait définir
    des règles tarifaires et des contrats convenables pour une telle activité. Nous avons
    demandé à Eutelcom de construire un modèle économique pour connaître la fonction de
    coût dInfotel et définir les conditions de vente et dachat qui lui
    permettraient dêtre viable. Dans ce raisonnement économique, nous avons tenu
    compte de la différenciation des services permise par lapplication. Ce modèle a
    permis dintroduire plus de clarté dans la connaissance des coûts supportés par
    les agents qui contribuent à Infotel, et plus de sérénité dans la négociation sur les
    prix. Nous sommes très satisfaits dInfotel, qui a pleinement
    répondu à nos attentes, même si ce succès soulève des problèmes auxquels nous
    navions pas pensé . Avant lamélioration apportée à Infotel, le taux de
    réponse directe par le Plateau était de 10 % ; avec Infotel dans sa nouvelle version, ce
    taux est monté à 35 % : cest le premier résultat de lapplication ; il
    entraîne une amélioration de la rentabilité dInfotel puisquil permet
    déconomiser des consultations dexperts coûteuses. On estime que le taux de
    réponse directe sera finalement de 40 %. Le gain de qualité de service nous a en outre
    procuré une reconnaissance générale. Sur un plan financier, nous avons certes dû payer Eutelcom, environ 1,2 MF HT, et à ce coût se rajoute le coût des stations utilisateurs,
    des réseaux, de la mise en place, de la formation, soit environ 3 MF de plus. Mais cette
    opération nous semble peu chère compte-tenu de son résultat. Cependant Infotel a eu deux effets pervers :  - dune part, comme son utilisation est facile,
    certaines personnes de la première ligne ont tendance à lutiliser de façon
    paresseuse et appellent le Plateau au lieu de consulter leur documentation. Les questions
    posées sont donc parfois élémentaires. Nous avons dû lancer une action de
    communication sur le bon usage dInfotel. - dautre part, les personnes de la première ligne
    napprécient pas toujours de recevoir une réponse directement du Plateau : la
    réponse ainsi fournie est plus rapide que si lexpert avait été consulté, mais
    elle inspire moins confiance. Il faut que la compétence du Plateau soit reconnue pour que
    la première ligne accepte de considérer ses réponses comme fiables. Ici aussi, une
    opération de communication sest avérée nécessaire.   La montée en compétence des opérateurs du Plateau a
    posé des problèmes de classification : si elle est en partie due au référentiel, elle
    est due aussi au fait que ces opérateurs ont su semparer de loutil et prendre
    des responsabilités en conséquence. Cette prise de responsabilité, cette montée en
    autorité, cest un gain en qualification. Ici on touche à une question difficile
    car Euro Telecom a du mal à traiter les questions de qualification. Le problème posé
    par la montée en qualification des opérateurs nest pas encore résolu . Le travail des opérateurs est à la fois exigeant,
    intéressant et qualifiant. Les personnes qui sont passées par ces fonctions y ont acquis
    une vue densemble de la structure et connaissent les incidents qui peuvent y
    survenir. Elles sont aptes à assurer ensuite des responsabilités opérationnelles, et
    les fonctions dopérateur débouchent naturellement sur une promotion. On est loin
    de limage du standard téléphonique " passif "
    dautrefois, qui nétait quun pur commutateur manuel. " (propos
    tenus dans la première version par Monsieur Chappe, immédiatement après). Interview de Monsieur Chappe, Directeur dEutelcom  " Le référentiel du Plateau joue un
    rôle essentiel dans laccumulation des connaissances. Les experts utilisent pour
    classer et mémoriser questions et réponses des référentiels différents de celui du
    Plateau. Cela se comprend : le classement naturel pour le Plateau opère par type de
    client, selon une logique qui correspond à la façon dont les questions lui sont
    présentées ; pour un expert, le classement naturel est un classement par technique, qui
    facilite la recherche des réponses aux questions. Cette différence entre référentiels
    est riche en enseignements : en croisant les deux classifications, on pourra construire
    une grille qui montrera les relations entre entrées technique et commerciale, et mettra
    en lumière des dépendances sur lesquelles il est utile que les responsables soient
    éclairés. On peut aussi construire une fonction éditoriale sur ces
    référentiels. Considérons en effet un chef de ligne de produit à Euro Telecom. Les
    produits qui relèvent de lui occasionnent des questions posées au Plateau par la force
    de vente. Ces questions doivent être interprétées : certaines reflètent des lacunes de
    la formation de la force de vente, dautre traduisent une évolution du marché et
    sont susceptibles dune exploitation par le " marketing ". Il
    sera intéressant pour ce chef de ligne de produit de recevoir des comptes rendus
    sélectifs au format a priori simple : quelques statistiques, quelques courbes, des
    questions et réponses significatives en texte intégral. Si le schéma de tels comptes
    rendus est simple, sélectionner une information pertinente pour les confectionner relève
    dune démarche éditoriale, fondée sur une connaissance exacte des besoins
    dinformation des destinataires. Lexploitation des référentiels permet donc de fournir
    des comptes rendus aux divers chefs de produits, et aussi aux directeurs régionaux, aux
    responsables de la Direction Grand Public, etc. Il sagit non seulement de donner des
    informations sur chaque produit, chaque région, mais aussi de tirer les leçons des
    comparaisons que lon peut faire entre divers produits, diverses régions. Il est donc possible de fournir une information
    " sur mesures " à une clientèle diversifiée. Les éditions se
    démultiplient. Elles sont fondées sur une information objective, disponible en temps
    réel sans quil soit nécessaire de faire une enquête supplémentaire, les
    exploitations statistiques se faisant sur les données produites au fil de leau par
    Infotel. Cependant ces données doivent être interprétées : ce
    nest pas parce quelles sont fournies automatiquement par le système
    quelles parleraient delles-mêmes. Cette interprétation fait partie de la
    fonction éditoriale.  La notion dexpertise elle-même est appelée à
    évoluer : lexpertise chez Euro Telecom prenait jusquà présent une forme
    générique ; elle décrivait le produit selon des caractéristiques générales (exemple
    : spécifications du réseau RNIS). Le " marketing mix " définit ses
    " cibles " comme des populations homogènes décrites en termes
    généraux. Or une question posée au Plateau est toujours particulière et datée, et
    donc inséparable dun contexte : il sagit de tel client; il ne
    sintéresse pas au protocole X 25 mais souhaite savoir par exemple si le réseau
    Datex-P de Deutsche Telekom peut être utilisé pour ses relations avec la Pologne.  Le travail de lexpert sera autant de recueillir de
    linformation (" chercher linfo ") que de la retravailler
    pour la rendre utilisable. Cest une mise en forme de la connaissance de
    lentreprise qui se développe ainsi. Pour rendre compte de ce phénomène qui
    modifie la nature de la connaissance mobilisée nous dirons que le savoir de lexpert
    est " contextualisé ". Interview de Monsieur Edison, responsable
    de la Direction Grand Public  " La mise en place dInfotel a été
    une expérience riche denseignements au moment où notre entreprise est engagée
    dans des évolutions profondes de son organisation. On parle beaucoup dorganisation
    transverse à Euro Telecom, en bien ou en mal ; Infotel a mis en oeuvre une telle forme
    dorganisation, sans perdre de temps en discussions théoriques, et à terme nous
    souhaiterions que ce type de fonctionnement soit généralisé dans notre entreprise.  Infotel est bien une organisation transverse, puisque son
    efficacité exige que les procédures (entre Plateau et experts, entre Plateau et clients
    des procédures éditoriales) se déroulent sans passer par la hiérarchie. Celle-ci
    nest pas déresponsabilisée pour autant, mais son rôle consiste à contrôler a
    posteriori que le système marche bien plutôt quà valider au coup par coup chacune
    des micro-décisions quil permet de prendre. Aujourdhui la plupart des grandes
    entreprises évoluent vers ce type dorganisation, mais nous rencontrons beaucoup de
    difficultés à Euro Telecom. Lorganisation hiérarchique implique que le responsable
    prenne toutes les décisions et signe tous les échanges dinformation avec
    dautres unités. Cela se paie par la lenteur. Je me bats, à lintérieur de mon entreprise, contre
    ceux qui disent que seul le fonctionnement hiérarchique est compatible avec la
    responsabilité. Autant dire que le directeur dune mine devrait soupeser chaque
    morceau de charbon avant toute expédition !! Dans le fonctionnement transverse le contrôle exercé par le
    responsable est indirect, mais il utilise des instruments dobservation et de
    synthèse qui facilitent la compréhension mieux que ne le ferait un suivi détaillé des
    affaires. Je suis persuadé que la forte hostilité envers lorganisation transverse
    à laquelle nous sommes aujourdhui confrontés dans notre entreprise traduit, plus
    encore que la défense instinctive dun pouvoir hiérarchique, le refus dune
    connaissance qui ne peut sacquérir que de façon indirecte, à travers des
    instruments dobservation. Infotel apporte une réponse pratique à ceux qui voient dans
    lorganisation transverse la fin de lesprit de responsabilité, et je compte
    bien mappuyer sur cette expérienxe pour promouvoir des solutions qui remplaceront
    lorganisation excessivement hiérarchisée de Euro Telecom et le gâchis de
    compétence qui en résulte. " |  Quatrième partie : Perspectives 
  
    | Interview de Monsieur
    Morse, responsable du Soutien à la force de vente grand public " Infotel nous ouvre de nouvelles perspectives
    : nous réfléchissons à lutilisation de la collectique pas seulement pour le
    soutien " à chaud " de la première ligne, mais aussi pour la
    formation professionnelle et les documents que nous lui fournissons. Nous nous sommes en effet aperçus que les cours
    soublient vite si leurs enseignements ne sont pas rapidement mis en oeuvre ; les
    documents sur support papier se perdent parfois avant darriver à leurs
    destinataires, et surtout ils ne sont pas bien utilisés : les feuilles à trous sont
    rarement mises immédiatement dans les classeurs auxquelles elles sont destinées, on ne
    sait jamais si une instruction est à jour ou non, la fiabilité de linformation en
    souffre. La collectique peut fournir des solutions :
    linformation, au lieu dêtre diffusée sur papier, sera mise à disposition
    sous la forme dune base documentaire tenue à jour par définition ; cette base sera
    complétée par un forum qui permettra à chacun de poser des questions ; lanimateur
    de ce forum veillera à ce que les questions reçoivent rapidement leur réponse, et
    purgera le périodiquement le forum de façon à en faire un complément utile de
    linformation publiée. Un soutien téléphonique équipé en collectique trouve un
    complément naturel dans une formation professionnelle sappuyant sur la collectique.
    Les questions posées par la première ligne seront utilisées pour concevoir les
    formations futures, que ce soit en face à face ou par mise à disposition dune
    documentation. En ce qui concerne le service Infotel, la partie bureautique
    ne concerne encore que les opérateurs du Plateau et les experts. Nous prévoyons de
    compléter ce " workflow " en équipant les clients dInfotel
    eux-mêmes, cest-à-dire les personnes de la première ligne habilitées à accéder
    au service, qui pour le moment nont pas dautre accès que le téléphone ou le
    télécopie. Inclure lutilisateur final dans le
    " workflow ", cest se donner le moyen de compléter le service
    par un support documentaire et une formation (cf. ci-dessus) ; cest aussi permettre
    une relation plus rapide, à partir dune formulation écrite de la question
    composée par le client lui-même. Dans ce cas le rôle du plateau téléphonique change :
    il nest plus là pour accueillir une question formulée par téléphone et
    lintroduire sous forme écrite dans le " workflow ", mais pour
    accueillir des questions écrites, les reformuler éventuellement, et assurer
    lanimation du " workflow ". Son rôle dinterface entre
    téléphonie et bureautique fait place à un rôle danimateur. Il
    " chauffe le média ", lui conférant pertinence, adaptation à des
    besoins diversifiés et rapidité de réaction. Pendant une période de transition, les activités
    danimation téléinformatique et de plateau téléphonique devront coexister car les
    clients ne se mettront pas tout de suite à la collectique. Dans tous les cas où le
    client sera embarrassé pour formuler sa question par écrit, il utilisera le téléphone
    et le plateau téléphonique restera donc le recours ultime. Nous avons des projets plus ambitieux, mais ils se heurtent
    à notre organisation encore trop cloisonnée : partant de la réalisation dInfotel,
    nous disposons dun outil efficace pour mettre en relation la première ligne avec
    les ressources en expertise de lentreprise. Nous avons en effet fourni à la force de vente grand public
    un " guichet unique ", concrétisé par un numéro de téléphone, qui
    lui permet de disposer du centre daccueil téléphonique et de lexpertise
    reliée à ce centre daccueil. Il est en théorie possible détendre ce
    guichet unique à dautres utilisateurs, dautres experts, et den faire un
    pôle de soutien à la première ligne dans tous les domaines commerciaux et techniques
    où Euro Telecom intervient.  Cependant, une telle perspective est irréaliste, car elle
    fait fi des sensibilités des responsables en matière de découpage des responsabilités
    et autres plates-bandes. Le modèle le plus plausible est celui de plusieurs guichets
    uniques, dévolus chacun à une fraction spécifique de la première ligne, et reliés par
    des procédures de reroutage permettant de traiter des cas où une personne du segment X
    de la première ligne poserait une question relevant du domaine dexpertise mis en
    face du segment Y (si une personne de la force de vente "Professionnel" de Euro
    Telecom pose une question sur le produit "  cartes téléphoniques ",
    qui est affecté au domaine dexpertise "Grand Public", il faut que cette
    question soit reroutée du plateau du Soutien à la force de vente Professionnel vers
    celui du Soutien à la force de vente Grand Public). Supposons que lon connaisse la nature des questions
    propres à chaque segment de la première ligne. On pourra, par une analyse statistique,
    définir les forces en expertise à mettre derrière le guichet unique dévolu à chaque
    segment (ce sont celles demandées le plus souvent par ce segment). Les procédures de
    reroutage utilisées pour traiter les cas minoritaires donneront occasion à des
    repaiements entre les divers guichets uniques. On voit ainsi se dessiner une organisation
    rationnelle de la relation " première ligne - back office ", fondée
    sur la mise en réseau de plusieurs guichets uniques définis au préalable. " Interview de Monsieur Edison, responsable de la
    Direction Grand Public  " Nous pouvons aujourdhui dégager un
    autre enseignement : il sagit de la modification des pratiques professionnelles des
    utilisateurs dInfotel. L'exploitation dInfotel forme experts et opérateurs à
    une relation de service. Etre soumis à des questions venant du terrain modifie en effet
    à la longue la position des experts. Ils doivent s'identifier à leurs clients et
    comprendre leurs besoins pour interpréter leurs questions. Ils font un effort continu
    pour améliorer les délais, la qualité et la bonne utilisation des réponses. Ils
    deviennent des porte-parole de leurs clients lorsquils rapportent à la Direction
    Grand Public des informations venant du terrain. De leur côté, dans leur travail quotidien, les utilisateurs
    sapproprient Infotel de façon lente mais irréversible. Cela les conduit à
    modifier leurs pratiques professionnelles. Un processus dappropriation collective
    est en cours, caractérisé par une diversification des attitudes vis-à-vis du service et
    par une augmentation progressive des exigences en termes de pertinence des réponses
    fournies. Ces exigences font naître des problèmes de gestion que lon ne
    soupçonnait pas initialement. 
  Cette "appropriation critique " par les
    utilisateurs renvoie à une réalité globale : il faut aborder ce type de service non de
    façon partielle (comme un pur service de distribution dinformations), mais du point
    de vue de la montée en compétence générale de lentreprise (force de vente et
    experts confondus). Cette montée en compétence répond à une nécessité - on doit
    anticiper le foisonnement ininterrompu des offres, marchés, structures concurrentielles
    et usages concernant les télécoms - et donc à une dynamique : la montée en
    connaissance doit être considérée à long terme, non comme lacquisition dun
    métier qui pourrait se faire une fois pour toutes. Cela nous a conduit à distinguer deux niveaux dans la
    gestion du service. Au départ nous avons eu tendance à appliquer à Infotel les
    enseignements du " management des services " qui considèrent
    uniquement leur aspect formel (qualité relationnelle, délais etc.). Infotel a rapidement
    acquis le savoir-faire relationnel indispensable de ce point de vue. Mais on sest
    aperçu que lenjeu du service dépassait ces aspects formels, et quil fallait
    aussi gérer le contenu de connaissance produit par le service.  Un travail réalisé en partie en collaboration avec la DRH
    de Euro Telecom a permis de tracer les grandes lignes de cette gestion. Il a montré
    quun écart se creusait entre le modèle du " management "
    industriel traditionnel et les exigences dune gestion de la connaissance centrée
    sur les finalités dun service comme Infotel. Cela ne doit pas surprendre puisque le
    " management " traditionnel est guidé par une conception analytique
    de la production matérielle, alors que nous sommes ici dans une autre sphère de
    lactivité marchande.  Dans lindustrie, lorganisation est déterminée
    par le rapport à lobjet fabriqué ; elle repose sur une analyse fine des activités
    et sur une approche par procédures strictes, le travailleur devant sadapter à la
    méthode. Or ici cest le contraire : les formes dorganisation qui apparaissent
    sont des lieux daccumulation de linformation nécessitant non son découpage
    analytique, mais une approche globalisante par formation déquipe. Le Plateau est un
    cas typique des structures de coopération en réseau qui se forment ainsi dans les
    grandes entreprises.  Dans les structures industrielles, les positions de travail
    sont prédéfinies par rapport aux individus qui les occupent, et les responsables ont
    tendance à privilégier lhomogénéisation lors de la formation des équipes
    (nivellement égalitaire). Avec le plateau, nous découvrons des organisations riches de
    leur diversité, et cette diversité est efficace. Le mode dorganisation doit
    sadapter aux personnes alors que linverse était auparavant la règle.  La logique de lorganisation de services comme Infotel
    comporte en outre la gestion dun certain déséquilibre, en désignant par ce terme
    à la fois la nécessité dune problématique commune aux diverses équipes pour
    quil puisse y avoir dialogue entre les membres des équipes (" la
    politique maison dans tel ou tel secteur "), et la nécessité de différences
    entre savoirs pour que les agents puissent senrichir mutuellement. On parle alors de
    " savoirs semi-spécialisés ". La dynamique daccumulation des connaissances dans des
    équipes de ce type est très sensible, car la motivation des personnes est fonction de
    leur capacité dapprendre au sein de leur activité quotidienne. Il en résulte
    quil faut faire progresser la gestion des ressources humaines, traditionnellement
    centrée sur la gestion des postes (les carrières étant une succession de postes normés
    à un certain niveau hiérarchique), et la hisser jusquà la gestion des
    trajectoires individuelles.  Enfin, la fonction même du responsable se déplace. Hier, le
    chef était celui qui connaissait le mieux le métier, et légitimait ainsi sa capacité
    de contrôle. Le rôle du responsable est désormais danimer la montée en
    compétence de son équipe, compétence signifiant ici "connaissances que le
    responsable ne pourra pas acquérir". Ce nest donc pas lexpertise
    technique qui fera le responsable, mais dautres capacités (pédagogie, animation),
    car ce responsable ne pourra plus lui même exercer une fonction de contrôle complète
    faute de pouvoir juger objectivement le détail de lactivité." |  Questions : - quels sont les enjeux de la mise en place dInfotel et
de lévolution de ses fonctionnalités ? - quelles sont les principaux types de difficultés
rencontrées par les acteurs dInfotel ? - si cétait à refaire, à la place de Monsieur Morse,
comment feriez-vous ? - pouvez-vous lister, et décrire, les principaux impacts de
lintroduction dun service de collectique sur lorganisation dune
grande entreprise de réseau ? - selon vous, quelles sont les conditions pour quun tel
service simplante avec succés ? - et dans votre entreprise, pensez-vous quun tel
service pourrait simplanter ? Argumentez.  |