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L’emploi dans le secteur informatique et télécoms à l’horizon 2010

27 août 2007

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 Cet article, rédigé avec David Fayon, est publié dans le numéro de septembre 2007 de la revue Télécoms.

Dans ce secteur, l’emploi se trouve chez les opérateurs de réseaux de télécommunication, les fournisseurs de matériels de télécommunications, de matériels informatiques y compris périphériques, de logiciels (systèmes d’exploitation, progiciels, ERP), les SSII, les entreprises qui utilisent l’informatique et les télécoms (personnels des DSI, maîtrises d’ouvrage).

L’évolution de l’emploi dans ces diverses spécialités est contrastée ; globalement, l’emploi dans les télécoms est en baisse tendancielle alors que l’emploi dans l’informatique augmente. De surcroît, l’évolution est fortement conjoncturelle : après une forte croissance dans la deuxième moitié des années 1990, l’emploi est resté stable ou a décru de 2000 à 2005, et a repris sa croissance en 2006.

Après l’annonce de licenciements massifs chez Alcatel Lucent (dont 1 500 en France), un rapport qui comprend 16 propositions a été remis à Christine Lagarde[1]. Dans un secteur concurrentiel où le développement des usages a permis une primauté de l’informatique, un bouleversement des contenus et des acteurs s’opère. Des évolutions sont prévisibles lesquelles laissent entrevoir des opportunités pour les ingénieurs télécoms.

1. La primauté de l’informatique au dépend des télécoms

Les réseaux télécoms comportent une partie « physique », la transmission, et une partie « logique » ou intelligente, la commutation. Avec l’arrivée de la commutation numérique, les commutateurs sont devenus des ordinateurs spécialisés et la commutation s’est informatisée.

Une rivalité s’est alors installée entre les télécoms et l’informatique quant à l’emplacement des logiciels, la véritable « intelligence ». Ce peut être dans les commutateurs maîtrisés par les personnels des télécoms ou dans les équipements terminaux (c’est-à-dire, en raison de l’informatisation de ces équipements, dans des ordinateurs) maîtrisés par les informaticiens.

La bataille s’est cristallisée autour de l’affrontement entre deux protocoles de transmission, X25 et TCP/IP. La victoire – définitive, semble-t-il – de  TCP/IP a été une défaite pour les télécoms. L’intelligence se trouve autour du réseau, elle l’utilise ; on ne demande au réseau rien d’autre que de fournir du débit et une garantie de continuité de service. L’ingénierie des télécoms se réduit à la maîtrise du dimensionnement du réseau.

Par contraste, le monde de l’informatique s’enrichit. Du côté des matériels la montée des performances physiques se poursuit selon la loi de Moore, les équipements se miniaturisent (le téléphone mobile devient un ordinateur, voire un téléviseur) et les architectures s’orientent vers des solutions multi-processeurs qui génèrent un nouveau paradigme quant à la programmation.

Du côté des logiciels, la production évolue selon deux directions différentes, voire opposées. La réutilisation de composants fournis en kit, et articulés en utilisant un langage de script comme Perl, Python, PHP, etc., permet de produire rapidement des solutions utilisables ; les programmeurs qui utilisent cette méthode peuvent être formés rapidement, leur niveau d’expertise est relativement faible.

Par ailleurs la diffusion des logiciels libres, dont on peut lire et modifier le code source, permet à des programmeurs de haut niveau de concevoir des solutions adaptées à des cas particuliers complexes. L’arrivée des architectures multi-processeurs sollicitera ces compétences car de nouvelles méthodes de programmation seront demandées.

Enfin on demande maintenant à l’informatique d’outiller le parcours des processus de production (workflows) ainsi que la communication entre les agents opérationnels (groupware et wikis). La qualité des spécifications (pertinence, sobriété, cohérence) conditionne étroitement le service rendu par l’informatique. Pour pouvoir la fournir, les maîtrises d’ouvrage ont dû se professionnaliser et apprendre à maîtriser langages et méthodes de modélisation (CMMI, Cobit, Itil) dans le cadre d’une gouvernance des systèmes d’information.

Pour les entreprises utilisatrices, le système d’information est devenu un enjeu crucial : dans les années 2010, plus de la moitié du temps de travail des agents opérationnels se déroulera dans l’espace mental que délimite l’architecture du SI (référentiels, workflows, groupware).

2. Montée vers les contenus et jeux d’acteurs

La poursuite du doublement de la capacité des micro-processeurs selon la loi de Moore, le développement massif des usages (applications Web 2.0 collaboratives), l’apparition de nouveaux acteurs (Google, Wikipédia) et de nouveaux supports (mobiles, qui avec le haut débit permettent la diffusion de la vidéo) ont entraîné des bouleversements sans précédent. Toute la chaîne de la valeur des entreprises des IT (télécoms, informatique, mais aussi édition, musique, audiovisuel) est désormais instable, d’où une évolution incessante de leur positionnement.

La conquête de l’espace logique va bouleverser les milieux de l’édition, de la musique et de l’audiovisuel : les discussions actuelles sur le droit d’auteur, la crise de l’industrie du disque en sont des signes avant-coureurs. Les producteurs de contenus, notamment les majors d’Hollywood, recherchant la valorisation de leurs portefeuilles de programmes, passent des accords de partenariats avec les FAI et s’intéressent au développement de la vidéo sur Internet. Certains s’affrontent aux opérateurs télécoms : le groupe News Corp tente d’acheter Skype, qui a été repris par eBay.

Les équipements et les logiciels ne peuvent travailler ensemble que s’ils respectent des normes communes en matière de connectique, de protocole de communication, de système d’exploitation, de langage de programmation et, plus généralement, d’interface. La normalisation a donc été pour le secteur un élément stratégique, et aussi un terrain de manœuvre pour des ambitions industrielles concurrentes.

Par ailleurs la dérégulation du secteur des télécoms a permis la concurrence : celle-ci s’est traduite par des baisses de prix profitables aux clients mais elle a aussi rompu des économies d’échelle et d’envergure et inhibé l’effort de recherche, gage d’une baisse des coûts et donc des prix futurs ; focalisée sur un a priori favorable à la concurrence, la dérégulation a négligé la qualité du service rendu à l’utilisateur final.

La pression sur les prix a en effet incité les acteurs à rechercher en priorité la baisse du coût de production ; il en est résulté une pratique systématique de la sous-traitance et de l’infogérance (des centres d’appel, de la maintenance, des systèmes d’information) au détriment de la qualité.

3. Évolutions prévisibles

Les clients, mieux informés notamment grâce aux informations collectées sur le Web, vont faire pression quant à la qualité attendue. Les installations des entreprises, mais aussi celles des particuliers, sont devenues de plus en plus complexes. De nouvelles spécialités se créent, comme celle de l’intégrateur du réseau résidentiel (Residential Integrator) qui, en utilisant divers supports (paire torsadée, fibre optique, espace hertzien, réseau électrique) relie les ordinateurs, les équipements audiovisuels et ménagers, la régulation de l’éclairage, du chauffage et de la climatisation, les systèmes de sécurité et de télésurveillance, les téléphones, l’automobile etc. À cette exigence, les entreprises des IT devront répondre en accroissant la compétence de leurs personnels et en réintégrant certaines sous-traitances et infogérances malencontreuses.

Déjà les opérateurs de télécoms font des offres multiple play grâce aux « boxes » qui permettent un accès unique à la téléphonie, à l’Internet à haut débit et à la télévision numérique. Les câblo-opérateurs, quand ils sont puissants comme aux Etats-Unis, sont les principaux concurrents des opérateurs télécoms car ils disposent d’un accès aux réseaux et aux contenus. Les FAI se déplacent vers la téléphonie fixe avec la VoIP et vers la téléphonie mobile, qui devient un des terminaux de l’Internet.

La qualité des logiciels sera aussi un enjeu (cf. l’entretien avec Bjarne Stroustrup « The Problem with Programming[2] ») : les matériels à multi-processeurs ne pourront être performants que si les méthodes de programmation s’y adaptent, ce qui suppose une transformation des méthodes de modélisation.

Il deviendra de moins en moins admissible, dans un univers complexe où la sécurité est une priorité, de se fier à des logiciels compilés fonctionnant comme des « boîtes noires ». Le logiciel ouvert permet de s’en affranchir, mais au prix d’une compétence élevée des programmeurs.

Ces deux évolutions n’interdisent pas que se poursuive l’utilisation de composants aux interfaces proprement définies et que l’on intègre avec des scripts, mais elles font monter l’exigence concernant leur qualité et la lisibilité de leur documentation. Au total, la mode actuelle à la banalisation de la programmation devrait subir dans la prochaine décennie une inflexion vers plus d’exigence.

La qualité d’un système d’information dépendant, de façon cruciale, de celle des spécifications qui le définissent a priori, la professionnalisation des maîtrises d’ouvrage devrait progresser. Les SSII développent et offrent déjà des compétences en assistance à maîtrise d’ouvrage (modélisation, suivi des réalisations, formation des utilisateurs, etc.) : mais l’entreprise ne sera bien servie que si elle est en mesure de mettre ses propres compétences fonctionnelles et sémantiques en face des compétences techniques et méthodologiques des fournisseurs.

L’informatisation va faire un bond qualitatif avec l’incorporation de l’ordinateur au téléphone mobile : c’est le corps même de l’individu qui sera ainsi informatisé et l’ubiquité de l’accès à l’espace logique sera absolue et non plus conditionnée par la proximité d’un terminal au bureau ou à domicile. Cela aura des effets sur l’organisation du travail en entreprise, et aussi sur la vie personnelle de chacun.

Les frontières des entreprises seront modifiées. Les télécoms peuvent se faire coincer dans le rôle du « fournisseur de tuyaux », maître d’une infrastructure physique fort coûteuse mais banalisée (lignes et routeurs) ; elles peuvent aussi, s’appuyant sur la proximité avec l’utilisateur dans le réseau de distribution, et à condition de renoncer à la sous-traitance systématique de la relation avec le client final, se positionner comme intégrateur de l’installation résidentielle et commercialiser la gamme des équipements et services qu’elle peut nécessiter.

En informatique, certaines entreprises vont se spécialiser dans l’écriture de composants logiciels de haute qualité, d’autres dans l’intégration de solutions adaptées à la diversité des usages, d’autres encore dans l’assistance à la maîtrise d’ouvrage. Les entreprises utilisatrices vont renforcer leurs compétences en informatique et en maîtrise d’ouvrage à proportion de l’importance prise par le SI.

4. Contexte et opportunités pour les ingénieurs télécoms

Globalement, la primauté de la relation client va bouleverser la définition des rôles au sein des entreprises. Les usages et les comportements du client, au centre, guideront le marché. L’analyse de ses attentes - avec l’expression de besoin qui en découle - deviendra un critère aussi important à intégrer que les critères financiers. Il souhaitera davantage tant au sein de son entreprise de la part de sa DSI (développement de l’informatique décisionnelle) en tant qu’utilisateur des applications qu’en tant que client final dans sa vie privée. Il souscrira à solutions simples et sûres avec une ubiquité nomade.

L’outsourcing restera néanmoins fort ce qui offrira des opportunités d’emplois dans les SSII, qui continueront les recrutements à rythme soutenu. Les entreprises utilisatrices opéreront moins d’embauches même si un noyau stratégique dans les métiers de la MOA et de la MOE sera développé avec intégration de compétences externalisées : les compétences de chefs de projets seront prisées.

Dans un contexte de concurrence accrue, les cycles de vie des produits et services se raccourciront avec une poursuite de l’innovation marketing. Et l’activité de veille se développera plus encore ce qui imposera une mise à jour constante des savoirs pour les ingénieurs.

Pour les fonctions techniques, le passage au tout « IP » nécessitera une vision globale des technologies web et informatique. Dans un contexte tendu, le retour sur investissement des projets deviendra systématique et plus généralement des outils de type balanced scorecard[3] seront retenus. Une plus grande polyvalence sera demandée aux acteurs informatique et télécoms et la culture de gestion de projets sera nécessaire pour bâtir les services et les architectures techniques en réponse aux usages en devenir en faisant coopérer des acteurs et des cultures variés sur un même projet. Les activités télécoms et SI se rapprocheront.

Dans les fonctions multimédia, la différenciation du produit deviendra prépondérante avec une importance accrue du marketing. Des services y compris Web 2.0 proposés sur des portails aujourd’hui vont se généraliser sur les mobiles. Le nombre de partenaires pour les opérateurs télécoms par exemple va augmenter avec notamment le choix des contenus pertinents. Les droits de propriété numérique vont prendre une importance accrue, de même que la sécurité associée.

Pour les activités commerciales et marketing, l’élaboration des offres deviendra plus pointue, la mise à jour des connaissances des technico-commerciaux sera périodique. Des indicateurs de suivi de la qualité client devront être mis en place ainsi que des outils pour comprendre plus finement les besoins de la clientèle qui intégreront des études sur les comportements sociaux. Une transversalité sera à développer avec les équipements R&D, multimédia et technique.

Les fonctions de R& D feront appel à une recherche court terme orientée client et services. Les analyses des comportements et des usages seront intégrées en amont dans la réflexion. Les activités juridiques (réglementation accrue, dépôts de brevets) s’intensifieront.

Dans un contexte tendu, l’ingénieur télécoms pourra utiliser les nouveaux outils pour la recherche d’emploi en particulier les réseaux sociaux (Viadeo, Linkedin).