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Commentaire sur :
Martin Campbell-Kelly, Une histoire de l’industrie du logiciel, Vuibert Informatique 2003

24 mars 2004


Liens utiles

- La téléinformatique dans l'entreprise
- L'informatique de communication

Ce livre fournit une histoire vivante de l'industrie du logiciel et il comporte d'utiles références bibliographiques. Il est bien écrit (et bien traduit par Pierre Mounier-Kuhn), avec une agréable pincée d'humour britannique.

Campbell-Kelly propose une classification des logiciels en trois catégories qui se sont épanouies successivement et qui cohabitent aujourd'hui : les logiciels sur mesures, les produits logiciels et les logiciels grand public. 

Les logiciels sur mesures

L'industrie a commencé dans les années 50 par la production de logiciel sur mesures pour des entreprises. Cette activité existe toujours, c'est à elle que se consacrent les grandes SSII.

Puis les fournisseurs de logiciels ont voulu rationaliser la production de code en concevant des « packages » réutilisables, outils de production internes.

Des « brokers » se sont créés pour en faire commerce, mais comme ces produits internes n'avaient pas la qualité nécessaire pour être mis sur le marché cette formule a échoué.

Les produits logiciels

Pour qu'un produit interne puisse être commercialisé, il fallait qu'il fût « industrialisé », c'est-à-dire sécurisé, documenté, mis à la portée d'utilisateurs d'un degré d'expertise moyen auxquels il faudrait en outre dispenser une formation. Après un effort (considérable) d'industrialisation, les « packages » ont pu être mis sur le marché et vendu comme des produits : ainsi l'offre de logiciel est passée du sur mesures à la confection (« produits de bonne qualité, mal ajustés », p. 86). Ces produits, étant destinés aux entreprises et analogues à des biens d'équipement, se vendent en petit nombre et pour un prix unitaire élevé.

Campbell-Kelly les classe en deux familles :
- des logiciels système qui facilitent l'utilisation de la ressource informatique (systèmes d'exploitation, SGBD, moniteurs de télétraitement, aides à la programmation, utilitaires etc.),
- des logiciels applicatifs destinés soit à une profession (« manufacturing », banques etc.), soit à une fonction dans l'entreprise (paie, approvisionnement, comptabilité etc.).

Les clients sont les directions informatiques des entreprises, pour qui ces produits sont comme des machines-outils. La standardisation de facto des ordinateurs, permise par le lancement de la gamme 360 par IBM en 1967, ainsi que la vente des logiciels par IBM à partir de 1970, ont facilité ce commerce. 

On estimait que la durée de vie d’un package était de cinq ans. Lorsque cette prévision était dépassée la rentabilité était élevée (p. 135). La production des produits logiciels n’est pas « à coût fixe » en raison de l’importance des coûts de commercialisation.

Au début des années 70 une partie de la compétence d’un informaticien résidait dans la connaissance du catalogue de produits logiciels offerts sur le marché. Une partie de la compétence des SSII résidait dans la conception de solutions qui « intégraient », ou articulaient, des logiciels sur-mesure avec des produits logiciels du marché.

Les logiciels grand public

La micro-informatique crée dans les années 80 le troisième segment de l'industrie du logiciel. Elle alimente le grand public en progiciels (traitement de texte, tableur, logiciel graphique, messagerie, navigateur, jeux etc.). La production de progiciels est « à coût fixe » en raison de l'ampleur des débouchés et des techniques de commercialisation de masse ; les prix sont beaucoup plus bas que pour les produits logiciels (p. 118). Certains produits grand public seront utilisés par les entreprises : ils équiperont la bureautique et les PC en réseau.

*  *

Plutôt que de fatiguer le lecteur par des listes d'entreprises et de produits, Campbell-Kelly a préféré présenter des études de cas sur quelques produits et quelques entreprises judicieusement choisis. Cela contribue à l'agrément du livre, très vivant et toujours intéressant.

Beaucoup de personnes ont abordé l'informatique à travers le PC et les logiciels grand public. Il en résulte une mauvaise évaluation des proportions que comporte l'industrie du logiciel : Campbell-Kelly estime ainsi que l'on parle trop de Microsoft (dont bien sûr il ne nie pas l'importance) et pas assez des fournisseur de produits logiciels, par exemple SAP. Il restaure donc la place de la « grande informatique » dans cette industrie.

Notons cependant une lacune. L'histoire que décrit Campbell-Kelly s'arrête en 1995, mais il ne parle pas de la bureautique communicante qui était déjà en place avec la messagerie, la documentation électronique, le workflow, bref le groupware dont Lotus Notes fut la réalisation la plus brillante. Cette informatique de communication, située dans la gamme de prix des logiciels grand public, posait les mêmes questions d'intégrité, de cohérence, de synchronisme que la « grande informatique » et prenait place aux côtés de celle-ci dans la plate-forme des systèmes d'information. L'évolution ainsi amorcée se confirmera avec l'Intranet.