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Liberté, liberté chérie

19 février 2006

Pour lire un peu plus :

- A propos de la peine de mort
- Histoire du négationnisme en France

-
On a le devoir de dire ce que l'on pense

Nous ne disons pas tout ce qui nous passe par la tête : le fonctionnement spontané de notre cerveau produit des idées parfois saugrenues, et nous devons les trier pour alimenter notre pensée. Seuls les maniaques, ou les négationnistes (qui s'entêtent à soutenir des hypothèses contredites par les faits), se refusent à faire ce tri.

Nous ne disons pas non plus tout ce que nous pensons car cela blesserait des personnes et compromettrait nos relations avec elles. Hypocrisie, politesse, délicatesse ? Il peut y avoir de tout cela dans cette autocensure, mais elle est nécessaire à la vie en société car notre pensée est plus rude, plus carrée que ce qu’il convient de dire.

*   *

Pourquoi faudrait-il accorder aux journaux, aux journalistes, une liberté d’expression absolue ? Pourquoi, alors que nous jugeons normal et sain de mesurer nos paroles, aucune mesure ne devrait s’imposer aux médias ?

Pourquoi faudrait-il soutenir, au nom de la liberté, les provocateurs qui ont publié des caricatures de Mahomet ? Ils ont, comme des gamins, joué avec des allumettes dans une poudrière. « Nous avons le droit d’exprimer ce que nous pensons », disent-ils, mais on peut parier qu’ils ne disent pas à leur patron tout ce qu’ils pensent de lui.

Ou bien la parole est sans conséquence, sans effet sur le monde : mais alors elle est dérisoire et à quoi bon parler ? Ou bien elle a des effets : mais alors il faut, quand on parle, se savoir responsable des conséquences de ce que l’on dit. Comme toute action, la parole doit se régler sur une anticipation de ses conséquences.

*   *

Patrick Le Lay, PDG de TF1, a défini ainsi l’économie des médias : « Dans une perspective ”business”, le métier de TF1 est d’aider Coca-Cola, par exemple, à vendre son produit. Pour qu’un message publicitaire soit perçu, il faut que le cerveau du téléspectateur soit disponible. Nos émissions ont pour vocation de le détendre pour le préparer entre deux messages. Nous vendons à Coca-Cola du temps de cerveau humain disponible. »

Qu’est-ce qui peut autoriser les animateurs d’un tel commerce à se réclamer de la liberté d’expression ? Lorsqu’une prostituée propose de « faire l’amour », tout le monde comprend qu’il ne s’agit pas exactement d’amour. Lorsque les médias invoquent la liberté d’expression, tout le monde devrait comprendre que cela n’a rien à voir avec la liberté qui fut refusée à Giordano Bruno, à Galilée ou à Flaubert.

Il se peut que les journalistes qui ont après coup reproduit ces caricatures croient soutenir la liberté : ils se trompent. Il se peut qu’ils aient été alléchés, à la Le Lay, par la perspective d’une bonne vente : ils nous trompent. Il se peut qu’ils aient voulu exprimer leur mépris envers les musulmans : alors c’est inqualifiable.

*   *

La liberté n’est pas chez les provocateurs qui font commerce de la dérision et du ressentiment, mais chez ceux qui s’efforcent de comprendre ce que disent les autres et qui tournent sept fois leur langue dans la bouche avant de parler.

Cette liberté, la loi ne peut pas la délimiter car elle est incapable de sonder les cœurs où s’élabore le rapport à autrui. Mais nous n’avons pas besoin de la loi pour condamner, dans notre intimité, une provocation - et aussi pour condamner les manipulateurs qui, trop heureux de l’aubaine, ont lancé la foule à l’assaut des missions diplomatiques.