La richesse des Nations (2005)

3 mai 2006

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Cette fiche est une mise à jour de La richesse des Nations (2003), à laquelle on la comparera utilement.

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L’INED a publié « Tous les pays du monde 2005[1] », qui fournit pour chacun des 205 pays les données démographiques disponibles ainsi que l’estimation du PNB 2003[2] par habitant. Le PNB par habitant, mesuré ici en $ US p.p.a. (« en parité du pouvoir d’achat »), évalue la richesse moyenne de la population du pays considéré. Nous l'appellerons « richesse » tout court.

Certes, cet indicateur prête à discussion :
- comme les pondérations utilisées pour le mesurer reflètent la structure de la consommation dans les pays les plus riches, le PNB sous-évalue sans doute la richesse des autres pays
[3] ;
- le poids économique d’un pays doit être évalué non selon la richesse par tête, mais selon la richesse totale (produit de la richesse par tête par la taille de la population) ;
- la richesse par tête est une information insuffisante si on ne la complète pas par la mesure des inégalités ;
- cet indicateur reflète une situation instantanée qu’il n'explique pas plus qu'il ne permet d'anticiper l'évolution future ;
- pour 39 pays, le PNB par habitant n'est pas indiqué : la comparaison ne peut donc porter que sur les 166 pays restants. Ils représentent toutefois 97 % de la population mondiale.

Il convient donc de prendre cet indicateur pour ce qu’il est : une photographie imparfaite, incomplète, qui demande à être interprétée. Nous allons cependant tâcher de le faire parler.

Distribution de la richesse entre pays.

Considérons d’abord la courbe cumulative de la richesse en mettant en abscisse la population cumulée, en ordonnée la richesse cumulée (les pays sont empilés dans l’ordre de la richesse décroissante). Cette courbe donne une vue synthétique de la répartition de la richesse mondiale entre pays.

A eux seuls les Etats-Unis, qui représentent 5 % de la population, produisent 22 % de la richesse mondiale. La moitié de la richesse est produite par des pays qui représentent 13 % de la population. Les pays les plus pauvres, 20 % de la population, se partagent 3 % de la richesse.

Classement des pays les plus riches

Pour recouper richesse et démographie, il faut se fixer un seuil de taille : certains pays, concentrés autour d’une ressource spécifique (minière, géographique ou institutionnelle), constituent des exceptions : si la région Île-de-France était un pays, ce pays serait l’un des plus riches. Le Luxembourgeois, dont le pays s'est spécialisé dans la finance, a le revenu le plus élevé du monde[4].

La mesure de la richesse sera plus significative si on considère une population de grande taille. En fixant le seuil à 20 millions d’habitants on conserve 52 pays parmi les 205 pays du monde, et 88 % de la population mondiale[5].

Pour cinq de ces pays la mesure du PNB n’est pas disponible : Myanmar (Birmanie), Afghanistan, Irak, Corée du Nord et Taïwan. Il reste finalement 47 pays représentant 86 % de la population mondiale. Nous allons examiner sur cet ensemble quelques corrélations significatives.

Regardons d'abord comment a évolué dans cet ensemble le classement des pays les plus riches. J’ai consulté pour cela quatre éditions de « Tous les pays du monde », et obtenu le graphique suivant en retenant les neuf pays les plus riches (le dixième pays dans l'ordre du classement, la Corée du Sud, est nettement moins riche que le neuvième : alors que le PNB par habitant est en 2003 égal à 22 150 $ pour l'Espagne, il est égal à 18 000 $ pour la Corée du Sud).

La France (27 640 $) figure parmi les neuf pays ayant plus de 20 millions d'habitants les plus riches. Cela ne signifie pas qu’il n’existe pas de misère en France, mais cette question concerne la distribution de la richesse et non pas son niveau moyen.

La France était classée quatrième en 1994 (après les Etats-Unis, le Japon et le Canada), sixième en 1999 (elle a été doublée par l’Australie et l’Allemagne), huitième en 2001 (elle a été doublée par le Royaume-Uni et l’Italie), et de nouveau sixième en 2003 (elle a doublé l'Allemagne et l'Italie). Toutefois ces fluctuations du classement n'ont pas une grande signification : en fait le classement de ces neuf pays comporte un leader qui mène la course en tête (les Etats-Unis, 37 750 $), un traînard qui reste en queue (l'Espagne, 22 150 $) et, au milieu, un peloton bien serré à l'intérieur duquel les écarts sont relativement petits.

Par ailleurs une population qui comprend beaucoup de jeunes ou de vieux sera, à productivité égale, moins riche qu’une population qui a peu d’enfants ou une durée de vie courte. Il faut pour comparer les productivités considérer plutôt le PNB par personne d’âge actif. On obtient le résultat suivant en ne considérant que la population dont l'âge se situe entre 15 et 65 ans :

La France était selon ce critère classée sixième en 1994, quatrième en 1999, sixième en 2001 et cinquième en 2003. Par ailleurs, le graphique fait apparaître que le peloton est encore plus resserré quand on ne considère que la population d'âge actif. Au total, et si l'on en croit la mesure du PNB, on ne perçoit pas de déclin de la France...

Les évaluations ci-dessus sont en dollar courant. Pour percevoir l'évolution du pouvoir d'achat, il faut tout ramener aux prix de 2003 (d'après le Bureau of Labor http://data.bls.gov/cgi-bin/cpicalc.pl ), un dollar de 1994 vaut 1,24 $ de 2003 etc.). L'évolution des PNB en volume a alors l'allure suivante :

Richesse et croissance de la population

Quand on met en relation le PNB par tête et le solde naturel (naissances moins décès) en pourcentage de la population, on voit  que la population des pays riches croît lentement ou même décroît (Allemagne et Italie) alors que la population des pays pauvres croît rapidement (Yémen, Congo ex-Zaïre). Un raisonnement économique « à la Adam Smith » voudrait que les personnes qui sont le plus « à l’aise » fussent celles qui ont le plus d’enfants, mais il est contredit par les faits. Cela s’explique par des raisons culturelles, des traditions - et aussi par le fait que, dans un pays pauvre, avoir des enfants est une façon de se garantir l’équivalent d’une retraite.

On ne pourra donc pas compter sur la démographie pour résorber les inégalités entre pays : toutes choses égales d’ailleurs, plus la croissance démographique est rapide moins la richesse s’accroît. 

Les anciens pays de l’Est (Ukraine, Russie, Roumanie) font exception : leur solde naturel est négatif alors qu’ils sont pauvres. Ce sont des pays dont l'économie est en convalescence et qui rejoindront sans doute dans quelques années le peloton des pays riches.

Les Etats-Unis font eux aussi exception : leur croissance naturelle est forte alors qu’ils sont de loin le pays le plus riche. On remarque aussi la croissance de la population de l'Arabie Saoudite.

Dans le peloton des pays riches, la croissance de la population de la France est forte : elle n’est dépassée que par les Etats-Unis et l’Australie.

Richesse et espérance de vie à la naissance[6]

L’espérance de vie dans les pays les plus pauvres (moins de 5 000 $) s’étale de 43,5 ans (Nigeria) à 73 ans (Venezuela). Au dessus de 5 000 $, l’espérance de vie est fortement corrélée avec la richesse ; elle est maximale au Japon (81,5 ans). La France se trouve dans le peloton des pays à fort PNB par tête et forte espérance de vie (80,5 ans).

On note deux exceptions à la tendance générale : l’Afrique du Sud, où l’espérance de vie (51,5 ans) est faible en regard du PNB par tête, et les Etats-Unis où l’espérance de vie (77,5 ans) est plus faible que dans les autres pays riches. 

Sexe et espérance de vie à la naissance

Au niveau mondial, l’espérance de vie est de 65 ans pour les hommes, 69 ans pour les femmes, soit un écart de 4 ans (nous considérons ici tous les pays, quelle que soit leur taille).  En France, elle est de 77 ans pour les hommes et 84 ans pour les femmes, soit un écart de 7 ans.

L’écart est particulièrement fort dans certains pays : il est de 13 ans en Russie, 12 ans en Lituanie et en Biélorussie, 11 ans en Ukraine : l’alcoolisme masculin est la première explication qui se présente à l’esprit. 

Dans certains pays, l’espérance de vie des femmes est plus basse que celle des hommes : c’est le cas du Kenya (- 2 ans), de la Zambie et du Lesotho (- 1 an). Ces deux derniers pays sont fortement touchés par le SIDA.


[1] Gilles Pison, « Tous les pays du monde (2005) », Population & sociétés, n° 414, juillet-août 2005, http://www.ined.fr/publications/pop_et_soc/pes414/414.pdf .

[2] « Produit National Brut », évaluation du revenu d'un pays durant une année. Le PNB est la somme du PIB (Produit Intérieur Brut), qui mesure la valeur de la production d'un pays, et des revenus nets (dividendes, loyers etc.) qui lui viennent d'autres pays.

[3] Etienne Ntitebirageza, statisticien burundais, m’a dit ainsi que le PNB par tête de son pays (630 $) ne représentait pas son niveau de vie : il prend mal en compte les jardins familiaux, ressource importante pour l’alimentation des Burundais. 

[4] Au Luxembourg, pays qui compte 460 000 habitants, le secteur financier emploie 52 000 personnes et génère 38 % du PNB (Denis Robert, La boîte noire, Les Arènes 2002, p. 93). Le PNB par tête du Luxembourg est de 55 500 $, alors que celui des Etats-Unis est de 37 750 $.

[5] La population mondiale est évaluée en 2005 à 6 477 millions de personnes.

[6] Nous avons considéré ici la moyenne des espérances de vie des hommes et des femmes.

Pour lire un peu plus :
- La France est-elle en déclin ?
- Relation entre richesse et démographie
- La richesse des Nations (2003)

www.volle.com/statistiques/monde2005.htm
© Michel VOLLE, 2003 GNU Free Documentation License