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Problèmes de mise en place

3 août 2004


Liens utiles

- Origines de l'Internet
- Protocoles et paradigmes
- Le moteur de l'entreprise innovante

Comme toute nouveauté technique, la mise en place des réseaux d'ordinateurs a rencontré des difficultés imprévues. Le premier IMP livré par Honeywell ne fonctionnait pas et les ingénieurs de BBN ont dû le recâbler à la main. Par la suite, Honeywell s’est de façon persistante refusé à obéir aux spécifications. Le matériel souffrait de pannes aléatoires, d’interruptions asynchrones difficiles à corriger. Pour l’ARPA, 3 % de temps de panne était inacceptable, alors que 97 % du temps en fonctionnement normal semblait à Honeywell une performance élevée.

Hafner et Lyon notent par ailleurs l’incapacité des « gros » à admettre l’apport de l’innovation, à sortir de l’ornière de leurs habitudes. IBM, nous l’avons vu, a d’abord refusé l’idée de faire communiquer des ordinateurs, et AT&T a refusé d’utiliser le réseau télécoms pour transporter des données. En 1971, AT&T refusera de prendre la responsabilité de l’exploitation du réseau. En 1979, la Poste imaginera, pour répondre à la concurrence de la messagerie électronique, un service conforme à la tradition du télégraphe : les messages arrivaient aux bureaux de poste et étaient livrés à domicile par des coursiers. Cette offre n’eut bien sûr aucun succès.  En 1983, IBM, DEC et HP préfèreront le modèle en couches de l’OSI au protocole TCP/IP.

BBN elle-même, entreprise pourtant récente, fut incapable de capitaliser l’avancée acquise avec l’IMP : le directeur du marketing refusa de la lancer sur le marché des routeurs, ce marché qui fera la fortune de Cisco.

L'ineptie des « gros » est relevée avec délectation par Hafner et Lyon, comme l’avaient fait Carroll à propos d’IBM ou Hiltzik à propos de Xerox[1]. Mais n'est-il pas naturel qu’une grosse entreprise n’ait pas la même capacité de manœuvre qu’une structure légère, et que la procédure de préparation des décisions y soit plus lourde ? Lorsqu’il s’agit d’imaginer une architecture nouvelle, le cerveau d’un seul individu est plus efficace (et, par nature, plus cohérent) que le comité de direction d’une grande entreprise. Mais seule la grande entreprise sera capable de produire effectivement cette architecture si celle-ci est coûteuse.

Le fait est que si les « gros » refusent d’abord l’innovation, ils finissent par « s’y mettre » (avec retard, certes). Alors seulement les conséquences de l’innovation peuvent se déployer : ainsi le micro-ordinateur, né en 1973, n’a vraiment percé qu’après le lancement du PC par IBM en 1981.

Au lieu de s'étonner de la lourdeur des gros, mieux vaudrait examiner comment ils sont amenés à « s’y mettre », comment ils passent du scepticisme à l’adhésion, comment les équipes qui soutenaient la doctrine hérétique finissent par se faire entendre, comment les stratèges parviennent à surmonter leurs préjugés et leurs habitudes. Mais cela demanderait l’analyse fine de processus qui laissent peu de traces dans les archives comme dans la mémoire des acteurs.

Protocoles et paradigmes


[1] Paul Carroll, Big Blues, The Unmaking of IBM, Crown 1994 ; Michael Hiltzik, Dealers of Ligthning, Harper Business 1999.