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TCP/IP et Ethernet

23 août 2004


Liens utiles
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- Le PARC de Xerox

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TCP/IP

Le mot « protocole » avait été créé par Tom Marrill en 1965. La conception des réseaux d’ordinateurs demandera la mise au point de plusieurs protocoles nouveaux. BBN (voir Le premier réseau d'ordinateurs) mit au point un protocole de supervision (remote control) comportant des outils de diagnostic et de débogage à distance, ainsi que le protocole de routage dynamique qui permettra aux paquets de contourner les nœuds et les liens saturés.

Dès l’été de 1968, un groupe d’étudiants des quatre premiers sites prévus commença à se réunir pour préparer la mise en réseau des ordinateurs. Steve Crocker, de l’UCLA, fut volontaire pour rédiger les comptes rendus. Il publia le 7 avril 1969 une « Request for Comments » (RFC). Cette formule modeste sera conservée par la suite : lorsque les utilisateurs du réseau s’organiseront en un « Network Working Group » (NWG), les RFC resteront le support privilégié de la documentation et de la mise en forme des protocoles[1].

Le NWG décida de définir des protocoles qui traiteraient chacun un problème limité et qui seraient articulés entre eux : c’était le début du « modèle en couches », innovation majeure en modélisation. Il définit ainsi à la fin de 1969 le protocole Telnet, qui concernait les mécanismes de base de la communication entre deux ordinateurs  (connexion et choix des caractères). A l’été 1971, après beaucoup de discussions et de RFC, sortit le « Network Control Protocol » (NCP), protocole de communication sur un réseau d'ordinateurs.

Mais le NCP, qui ne concernait que l’Arpanet, ne permettait pas de faire communiquer entre eux des réseaux différents. Or des projets de réseaux émergeaient en Grande-Bretagne et en France, animés respectivement par Donald Davies et Louis Pouzin. Comment construire un « réseau de réseaux » ? Par ailleurs les réseaux qui utilisaient le satellite, la radio ou, comme l’Arpanet, des lignes téléphoniques, devaient obéir chacun à des contraintes différentes. Il en résultait des choix différents en ce qui concerne la taille maximale des paquets et la vitesse de transmission, ainsi que des niveaux de fiabilité différents.

TCP/IP

Il fallait donc définir le protocole qui permettrait de faire communiquer des ordinateurs connectés à des réseaux différents. Vint Cerf et Bob Kahn publièrent en mai 1974 un article où ils proposaient de découper les messages en « datagrammes » transmis indépendamment, chacun selon son propre itinéraire, la responsabilité du reclassement des datagrammes dans le bon ordre incombant à l’ordinateur destinataire[2]. Dans le même article ils avaient introduit la notion de passerelle (« gateway ») : une passerelle ne lirait que l’enveloppe du datagramme, seul l’ordinateur destinataire lirait son contenu ; de plus, la passerelle apparaîtrait pour chaque réseau comme un ordinateur connecté à ce réseau, assurant si nécessaire la transformation du format du datagramme. Cerf et Kahn appelèrent ce protocole « Transmission-Control Protocol », ou TCP.  Voici un graphique qui transcrit un de leurs schémas :

Au début de 1978, il parut nécessaire de séparer de TCP la partie consacrée au routage des datagrammes, que l’on nommerait IP (« Internet Protocol »). Désormais TCP ne traiterait que ce que font les ordinateurs émetteur et récepteur (découpage du message en datagrammes, mise en ordre des datagrammes à la réception et reconstitution du message, détection des erreurs, réexpédition des datagrammes perdus). La séparation des deux protocoles permit de construire des passerelles rapides et relativement peu coûteuses, consacrées exclusivement au routage des datagrammes selon le protocole IP. En 1978, TCP devint officiellement TCP/IP.

Arpanet abandonnera NCP pour adopter TCP/IP le 1er janvier 1983. Mais en 1988 l’ISO (« International Standard Organization ») publia le modèle OSI (« Open Systems Interconnection »), qui avait été longuement attendu par les constructeurs informatiques et les opérateurs télécoms et qui avait leur préférence.

Une bataille s’engagea. Les partisans du modèle OSI considéraient TCP/IP comme un bricolage d'universitaires peu conscients des contraintes de l’économie et de l’industrie. Les partisans de TCP/IP considéraient le modèle OSI comme un produit bureaucratique élaboré à coup de compromis par un comité. Mais TCP/IP fonctionnait et, s’étant forgé dans la pratique, avait incorporé une riche expérience, alors que le modèle OSI n’existait que sur le papier (voir Protocoles et paradigmes).

Un facteur décisif pour le succès de TCP/IP fut son adoption par Sun, créé en 1982 pour commercialiser des stations de travail Unix. Les stations Sun étaient équipées d’une version d’Unix qui incluait gratuitement TCP/IP, ce qui réduisait le coût de leur mise en réseau. Ethernet fut un autre facteur de succès.

Ethernet

Bob Metcalfe avait, lorsqu’il était étudiant à Harvard, préparé une thèse sur la commutation de paquets en s'appuyant sur l'exemple de l'Arpanet. Harvard avait jugé ce travail trop peu théorique. Metcalfe fut néanmoins embauché par le PARC de Xerox.

En 1972, il découvrit le papier écrit par Abramson pour décrire le réseau Alohanet mis en place à Hawaï grâce à un financement de l'ARPA. Le protocole Aloha était fondé sur une idée originale : au lieu d’être routés d’un ordinateur à l’autre, les paquets étaient émis par radio ; chaque ordinateur recevant tous les paquets, il lui incombait de trier ceux qui lui étaient destinés. Cela permettait de faire communiquer des ordinateurs situés sur des îles différentes de l'archipel d'Hawaï.

Metcalfe se fit envoyer à Hawaï par Xerox pour étudier le fonctionnement d’Aloha. Il en améliora la modélisation mathématique, fondée sur le calcul des probabilités. Cela lui permit d’introduire dans sa thèse assez de théorie pour qu’elle soit acceptée par Harvard.

Le PARC avait mis au point l’Alto, machine qui préfigurait l’ergonomie des futurs ordinateurs personnels, et souhaitait mettre des Altos en réseau. Ce travail fut confié à Metcalfe. Équiper chaque Alto d’un IMP aurait été d’un coût prohibitif. Metcalfe mit au point une version améliorée d'Aloha : en faisant passer le signal par un câble et non par l’espace hertzien, il accroîtrait le débit du réseau ; en introduisant la détection des collisions, il améliorerait le rendement du protocole.

Le premier réseau Ethernet fut ainsi mis en place en 1973 au PARC. Ses spécifications ne seront rendues publiques que le 30 septembre 1980 et la norme IEEE 802.3 ne sortira qu'en 1983. Les réseaux locaux (ou LAN pour Local Area Network) se répandront dans les entreprises en 1989 avec le lancement d’Ethernet 10BaseT, qui permet de faire transporter le signal par une paire torsadée semblable à celle du réseau téléphonique de l'établissement.

Complémentarité entre Ethernet et TCP/IP

Dès lors les réseaux d’ordinateurs vont s’appuyer à la fois sur TCP/IP et sur Ethernet. Ethernet sert à la communication entre les ordinateurs connectés à un même réseau local ; TCP/IP assure la communication à distance.

Ethernet est analogue à une conversation dans une salle où chacun prend la parole quand il a quelque chose à dire, s'interrompant en cas de collision avec un autre intervenant ; TCP/IP est (en plus rapide) semblable à l’envoi d’un texte, via la poste, par morceaux successifs qu’il faut classer à l’arrivée. Physiquement, le support de l’Ethernet peut être divers : paire de fils torsadée, câble coaxial, fibre optique, espace hertzien des réseaux WiFi ou câblage électrique de l’immeuble. L’Internet, lui, est composé d’un ensemble de routeurs et de liaisons louées aux opérateurs télécoms. Un réseau Ethernet est relié à l’Internet par une passerelle et une liaison louée. 

Ainsi, sous réserve des droits d’accès, n’importe quel ordinateur d’un établissement peut communiquer avec un autre ordinateur d’un autre établissement, la communication empruntant des passerelles entre les réseaux Ethernet et TCP/IP.

L’utilisateur individuel passe, lui, par le modem et la ligne téléphonique pour se relier à un fournisseur d’accès (IAP, Internet Access Provider), lui-même relié au réseau TCP/IP par une liaison louée.

Pour des raisons de sécurité certaines entreprises cloisonnent physiquement leur réseau : elles utilisent des réseaux privés virtuels fortement protégés (RPV ou VPN pour Virtual Private Network) selon des architectures conçues par les opérateurs télécoms. Sur ces réseaux peuvent entrer en jeu d'autres protocoles que TCP/IP (X25, Frame Relay, ATM etc.). Ces entreprises définissent aussi un Intranet fournissant à l'intérieur de l'entreprise des services analogues à ceux que l'on trouve sur l'Internet (messagerie, documentation électronique, moteur de recherche etc.) Alors le schéma se diversifie et s'enrichit, mais l'articulation entre le protocole du réseau local et celui (ou ceux) du réseau de transport reste la règle.

Les premières applications


[1] La première RFC est “Host Software”, par Steve Crocker, UCLA, 7 avril 1969. La collection complète des RFC se trouvent à l’adresse http://www.faqs.org/rfcs/.

[2] V. G. Cerf and R. E. Kahn, "A protocol for Packet Network Intercommunication" IEEE Trans. Comm. Tech., vol. COM-22, V 5, pp. 627-641, mai 1974