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Jean-Paul II

10 avril 2005


Pour lire un peu plus :

- Veritatis Splendor : quelle vérité ?
- Le coeur théologal
- Message et superstition
-
Médiatisation des rapports
-
Culte de l'émotion
- Histoire polonaise
- Le penseur et le politique
- Expertise et décision

Il existe diverses formes de sensibilité et l’on accordera, sans doute, qu’elles ont chacune le droit de s’exprimer. Qu’il me soit donc permis d’émettre, dans le concert des émotions que la mort de Jean-Paul II a provoquées, une note discordante.

Ce pape a été un grand politique : il a contribué à la chute de l’empire soviétique, édifice imposant mais vermoulu. Il a su utiliser les médias en artiste, animant des spectacles « son et lumière » parmi un public enthousiaste.

Qu’il ait été un bon théologien, je ne suis pas qualifié pour en décider. Toutefois j’en doute car il est difficile pour une même personne d’être à la fois un dirigeant et un expert compétent. Il a beaucoup publié : je n’ai rencontré en le lisant ni un grand écrivain, ni un penseur profond.

On ne peut que lui donner raison quand il voit dans la Tradition une source de vérité et de liberté. Mais on peut ne pas partager sa conception de la tradition. Il a voulu par exemple faire du célibat des prêtres une obligation : or il ne s’agit pas là d’une tradition de l’Église, mais d’une règle que les Écritures ne mentionnent pas et qui est devenue une habitude.

La tradition ne peut être vivante que si elle s'incarne dans la diversité et l’évolution des sociétés. Elle cesse de vivre si on la fige sous le respect d’une discipline ou d’un dogme, en refusant de considérer l’être humain hic et nunc : on court alors le risque d'excommunier les meilleurs, comme l'Église l'a fait en 1908 avec Alfred Loisy (1857-1940).

*  *

Jean-Paul II a encouragé les croyants à manifester leur dévotion à Lourdes, Fatima et Medjugorje. Certains aiment les images pieuses, les médailles bénites, les processions, les pèlerinages. D’autres préfèrent approfondir en silence, dans le secret de leur cœur, un dialogue avec le seigneur Jésus, source du respect envers les autres.

Ce dialogue, les effusions médiatiques que Jean-Paul II a mises en scène pouvaient-elles le favoriser ? Et quelle a pu être, alors que les églises et les séminaires sont pratiquement vides, la signification du succès des JMJ ?

Dans les pays riches, dont la population connaît pour la première fois de son histoire le bien-être matériel, il s'agit maintenant d'accéder au bien-être mental. Deux voies s'ouvrent : l'une vers la sagesse, l'autre vers l'imaginaire et vers ce culte de l'émotion qui fait si bon ménage avec les bons sentiments, les larmes, l'exaltation.

Beaucoup de personnes ont placé Jean-Paul II sur un petit autel intime où il voisine avec lady Diana et d’autres étoiles médiatiques. Le culte des vedettes est une résurgence du paganisme, résurgence sonore, brillante, mais sans profondeur [1]. Elle a été alimentée par les manifestations d’idolâtrie qu'a organisées l’Église autour du pape : c’est là pour beaucoup de fidèles un fait douloureux.


[1] Il existe des formes profondes de paganisme : elles relèvent d’une religiosité antérieure au monothéisme mais authentique. Le XIXe siècle a utilisé le christianisme pour favoriser le maintien de l’ordre social, cultivant un paganisme superficiel auquel s'ajoute aujourd’hui le culte des « idoles » médiatiques.